Un doudou à Paris
Disclaimer : Les personnages de Largo Winch ne m'appartiennent
pas. Je ne tire aucun bénéfice si ce n'est de faire plaisir
aux autres fans de la série. *** Le jour se levait sur la banlieue parisienne. Simon composa le numéro du digicode et poussa la porte. Il était épuisé, il avait travaillé toute la nuit. Il traversa la cour intérieure pour rejoindre le bâtiment du fond, puis grimpa l'escalier en bois en essayant de ne pas faire trop de bruit. Il atteignit le premier étage et, après avoir cherché dans ses poches pour trouver ses clés, il entra dans la pièce qui lui servait de " lieu de vie " depuis maintenant un peu plus de six mois. Des canettes vides, des cartons de pizzas, des serviettes en papiers avaient envahi tous les coins du petit studio qui était dans la pénombre. En effet, Simon ne prenait plus la peine d'ouvrir les doubles rideaux depuis longtemps. Il ne voulait plus voir la lueur du jour parce que cela lui rappelait la vie et lui, quelque part, était mort six mois auparavant. Il sourit brièvement en entendant la radio de l'appartement du dessus. Sa voisine devait être en train de se préparer pour une nouvelle journée de travail. Il avait eu l'occasion de la croiser une ou deux fois le soir alors qu'il partait travailler. Elle était venue s'installer dans l'immeuble à peine un mois auparavant. C'était une jeune femme, d'environ une trentaine d'années, qui avait décidé de quitter sa province pour tenter de se faire une vie meilleure dans la région parisienne. Simon laissa tomber sa canette dans la poubelle pleine et se coucha dans le lit défait, tout en sachant qu'il ne trouverait pas le sommeil. Il passa la main sur sa barbe de plusieurs jours et dans ses cheveux mi-longs. Il ne dormait plus depuis l'accident. Non, se corrigea-t-il, depuis que Joy avait faillit mourir par sa faute. NON, il ne fallait pas qu'il y pense mais les images revenaient comme une vengeance et des larmes coulèrent le long de ses joues. *** Il avait été si heureux d'apprendre que Joy et Largo s'étaient enfin trouvés. Il avait aussi été jaloux en pensant que son ami, une fois casé, s'éloignerait de lui mais il n'en avait rien été, jusqu'à ce soir fatidique où sa vie et celle de l'Intel Unit avait basculée. Il pouvait encore sentir le parfum de Joy dans la voiture. Ils attendaient depuis près de 4 heures, dans un froid polaire, que l'un des sous-fifres de la Commission ne sorte de sa cachette pour aller rejoindre ses compagnons. Ils espéraient ainsi remonter la filière jusqu'aux dirigeants. C'était Simon qui en avait eu l'idée et, malgré l'opposition de Largo qui trouvait l'entreprise trop dangereuse, Joy avait tenu à l'accompagner. Ils avaient suivi l'homme jusqu'à des entrepôts abandonnés dans la vieille zone industrielle de New York. Ils s'étaient rendus compte trop tard que c'était un piège. L'explosion avait tout dévasté et détruit la vie d'une personne qu'il aimait. Cela avait aussi été le début de la fin de son amitié avec Largo. Ce que Simon ignorait, c'était que le milliardaire le soupçonnait d'être l'organisateur du vol à main armé, qui avait coûté la vie à un vigile dans les entrepôts new-yorkais du groupe W. Du matériel de grande valeur avait été dérobé ainsi que des plans concernant un nouvel appareil révolutionnaire de traitement des eaux usagées. De plus, une fouille de tous les bureaux et coffres avaient été ordonnée par Largo, pendant l'un des voyages de Simon à l'étranger, à la suite du décès par overdose d'un des collaborateurs de Cardignac. Ce qui avait été découvert dans le coffre du bureau de son meilleur ami avait achevé de convaincre le milliardaire, que celui qu'il considérait comme un frère, était retombé dans le pire de ses travers : La drogue. Une quantité suffisante pour intoxiquer la moitié du groupe W, et un carnet retraçant les transactions, les contacts et les acheteurs, le tout bien évidement codé, ainsi que de l'argent liquide avaient été confisqué par Largo et Kerensky, deux jours seulement avant l'explosion. Seule Joy, à la grande surprise du milliardaire, avait défendu le Suisse. Elle ne pouvait pas croire que celui-ci ait trahi sa famille. Elle avait vainement essayé de convaincre Largo de lui parler mais celui-ci voulait prendre Simon en flagrant délit. L'explosion avait achevé de convaincre le milliardaire de la culpabilité de son meilleur ami. Quand le Suisse était sorti de la salle d'urgence, où il avait été traité pour diverses brûlures et coupures, Largo l'avait plaqué contre le mur de la salle d'attente. Il avait laissé exploser sa rage. Il venait d'apprendre que Joy était enceinte et que, suite à la déflagration, elle avait perdu l'enfant. Il avait hurlé ses accusations et avait frappé le Suisse, avant de le relâcher. Celui-ci avait glissé le long du mur, le souffle coupé. Kerensky avait regardé la scène avec impassibilité mais dans ses yeux on pouvait presque lire de la haine. Simon avait alors tenté de s'expliquer mais Largo, trop aveuglé par la colère, n'avait rien voulu entendre. Il avait prononcé ces paroles qui résonnaient encore aux oreilles de Simon dès qu'il fermait les yeux. " Va-t-en ! Je ne veux plus te voir ! Oublie qu'un jour nous avons été amis ! Jamais je n'aurais dû faire confiance à un voleur et un drogué ! " Le silence était retombé, laissant Simon abasourdit. Il se leva péniblement, jeta un dernier regard sur son frère de cur et sortit de sa vie définitivement. Il n'était repassé par le groupe W que pour prendre le sac à dos qu'il gardait toujours prêt et son passeport. Il savait que Kerensky ne le dénoncerait pas à la police mais Largo Dans l'état dans lequel il se trouvait, il était capable de tout. Il avait pris l'argent qu'il gardait pour les cas d'urgence et avait disparu. *** En arrivant à destination, il avait changé son nom, laissé pousser ses cheveux et tenté de refaire sa vie. Sa vie . Il sourit amèrement à cette pensée. Il n'avait plus de vie, celle-ci s'était arrêtée dans la salle d'attente des urgences, à l'hôpital de la Pitié à New York. Il savait que Joy avait survécu mais elle gardait de lourdes séquelles qui seraient longues à être effacées. Il savait aussi que grâce à elle, Largo n'avait rien tenté contre lui. Depuis il avait coupé tout contact, effacé toute trace de son passage. Plus rien ne subsistait à part quelques photos rangées dans un vieil album et des souvenirs. *** Un soir, en partant travailler, il croisa sa voisine dans la cour intérieure. Elle était chargée de plusieurs paquets qui avaient l'air assez lourds. Simon ne put s'empêcher de l'aider à monter ses courses jusqu'à son appartement. Elle lui sourit. - Merci
Elle n'avait pas remarqué, jusqu'à ce moment, combien il était attirant avec ses cheveux mi-longs et ses yeux tristes. Elle referma la porte et entendit ses pas s'éloigner dans l'escalier. Discrètement, elle le regarda traverser la cour intérieure et disparaître dans l'entrée. Elle soupira, cela faisait longtemps qu'elle n'avait rien ressentit de tel. Rafaela rangea ses provisions et prit une douche, avant de retrouver sa meilleure amie, par le biais du web, pour une soirée discussion qu'elles appréciaient tant. Plusieurs jours s'écoulèrent sans qu'elle ne le croise de nouveau. Matin et soir, quand elle passait devant sa porte, elle se demandait qui pouvait bien être ce voisin si mystérieux. *** Un jour, alors qu'elle partait travailler plus tôt que d'habitude, elle se trouva nez à nez avec lui dans la petite entrée qui abritait les boites aux lettres. Il avait l'air perdu. Son visage était tuméfié, du sang coulait de son arcade sourcilière et de sa lèvre fendue. De plus, il se tenait les côtes comme si celles-ci le faisaient souffrir. Elle ne dit rien, prit son bras et le mit sur son épaule afin de l'aider à monter jusqu'à son appartement. Rafaela l'allongea dans le lit défait, avant de monter chez elle chercher sa trousse de secours. Quand elle redescendit, elle constata qu'il s'était endormi. Elle le soigna du mieux qu'elle put et regarda le capharnaüm qu'était la pièce. Elle fouilla dans un placard et trouva des sacs poubelles qu'elle s'empressa de remplir de tous les déchets qui traînaient un peu partout. Raf regarda autour d'elle, l'appartement commençait à ressembler à quelque chose de potable. Dans un autre sac, elle mit les vêtements qui traînaient sur les meubles, pour les laver un peu plus tard. Ensuite, elle posa sur le fauteuil près du lit des vêtements propres, signe pour son bel inconnu qu'il ferait bien de prendre une douche. Elle prit le temps de faire la vaisselle, bien qu'il n'en eut pas beaucoup. Elle secoua la tête. Qu'était-il arrivé à cet homme pour qu'il se laisse aller de la sorte ? Se demanda-t-elle. En remettant le reste des sacs poubelles sous l'évier, elle remarqua une petite boite en fer blanc. Elle avait toujours été curieuse de nature. Que pouvait-il bien y avoir dedans ? Elle hésita un instant mais sa curiosité fut la plus forte Quand elle l'ouvrit, elle eut un mouvement de recul. A l'intérieur, se trouvait tout le nécessaire pour se faire de " belles piqûres " ainsi qu'un petit sachet remplit de poudre blanche et quelques ampoules emplies d'un liquide translucide. Elle remit la boîte à sa place et sortit de l'appartement sans faire de bruit. Elle monta chez elle, appela son employeur pour dire qu'elle ne se sentait pas bien et qu'elle serait absente toute la journée. Elle mit une machine à laver et se connecta à Internet pour parler à sa meilleure amie. - Salut, tapa-t-elle sur son clavier, le texte étant immédiatement
envoyé à son interlocutrice. Rafaela ne savait pas très bien comment aborder le sujet. Devait-elle parler de la petite boite en fer blanc ? D'autant plus que son amie se montrait un peu méfiante à l'égard de ce voisin qui ressemblait légèrement à un hippie. Elle le trouvait bizarre. Elle décida d'attendre d'avoir pu parler à Daniel avant de faire quoi que se soit. Elle n'aimait pas mentir à son amie mais elle voulait un peu de temps pour réfléchir. - Me sentais pas trop bien, à mon avis y a quelque chose qui est
pas passé. Je suis fatiguée et j'ai même pas encore
commencé ma journée. La journée se passa plutôt calmement à dialoguer par Internet. Vers quatre heures, elle entendit un léger coup à sa porte. Elle crut avoir mal entendu mais, quand cela se répéta, elle alla ouvrir et se trouva nez à nez avec son voisin fraîchement douché et rasé. - Bonjour, fit-il timidement en passant la main dans ses cheveux mouillés. Il ne savait pas ce qu'il devait faire : rester ou redescendre. Elle lui sourit et lui fit signe d'entrer. Il attendit timidement à la porte. Il semblait aussi gêné que la jeune femme. - Asseyez-vous, je vous en prie. Une tasse de chocolat ? Il examina la pièce et eut l'impression de se retrouver un peu comme à la maison. L'appartement, même s'il était meublé simplement, était accueillant. Raf revint avec deux tasses de chocolat et quelques petits pains au lait pour compléter ce mini-goûter posés sur un plateau. Daniel regarda l'écran de l'ordinateur et sourit, ainsi sa voisine était une internaute . Fut une époque, il aimait surfer sur le net et rencontrer des gens qui se trouvaient à l'autre bout du monde. Cela lui rappelait ses nombreux voyages de jeunesse. Il vit clignoter une fenêtre sur la barre de tâche. - Euh
Je crois que votre amie s'impatiente. Daniel sourit de plus belle. Rafaela se tourna vers l'écran et il la détailla à loisir. Elle n'avait rien à voir avec les femmes qu'il avait pu fréquenter, surtout ces dernières années. Elle mesurait environ un mètre soixante-cinq, avait des yeux bleus, des cheveux mi-longs qu'elle avait attachés en un catogan. Elle portait un pantalon de jogging qui avait vu des jours meilleurs et un t-shirt rose pâle qui soulignait ses formes plus que généreuses. Elle était loin d'être grosse mais elle était bien en chair, ce qui, sans savoir pourquoi, lui plut d'emblée. Peut-être parce qu'elle était à l'opposée des femmes " taille mannequin " que lui et Largo avaient l'habitude de draguer. Elle se tourna de nouveau vers lui en souriant. - Ca va mieux ? Demanda-t-elle en se penchant pour prendre sa tasse sur
la table basse. Il la vit hésiter un instant puis elle reprit la parole. - Que s'est-il passé ? Si je ne suis pas trop indiscrète. Le silence régna pendant un petit moment. Raf ne savait pas trop comment continuer la conversation. - Je vois que vous aimez la lecture, remarqua Daniel en s'approchant
de la bibliothèque qui débordait de livre et de cassettes
vidéo. Les séries télés, à ce que je
vois aussi. Moi, j'ai jamais le temps de la regarder. La conversation dura jusqu'à la tombée de la nuit. Chacun parlant des livres qu'il avait lu et aimé. Ils se quittèrent à regrets, se promettant de se revoir, ce qui, pensa Raf, n'allait pas être bien difficile puisqu'ils étaient voisins. Daniel rejoignit son appartement et s'appuya contre la porte quand il la referma. Mais que lui était-il passé par la tête ? Il en avait trop dit ! Il s'était senti apaisé, presque heureux, et il n'en avait pas le droit, pas après Non ! La " douleur " revint plus grande et plus forte que d'habitude. Ce n'était pas une douleur physique, c'était pire encore. C'était comme si son cur était broyé, que ses poumons menaçaient d'exploser et que ses entrailles étaient en flammes. Daniel savait que tout se passait dans sa tête. Si seulement il réussissait à se pardonner, il aurait pu alors tourner la page et aller de l'avant. Mais il ne pouvait pas, c'était trop tôt encore, il considérait qu'il n'avait pas encore assez payé. Il se laissa glisser au sol, ramena ses genoux sous son menton et attendit. Il attendit mais rien ne se passa, il avait mal à en hurler. Il se releva et alla chercher la boîte sous l'évier. Il savait que la boisson ne l'aiderait pas, pas cette fois en tout cas. Il n'y avait que cette solution pour ne plus rien ressentir. Il s'était promis de ne plus y toucher mais il en avait réellement besoin. Il prépara la seringue et s'injecta le liquide. Petit à petit, il se sentit partir loin de ce monde qui le faisait tant souffrir, loin des souvenirs qui revenaient l'assaillir dès qu'il avait un moment de bonheur ou de tranquillité d'esprit. Il était maudit et il le savait. Il était condamné à n'être plus qu'un mort vivant sans espoir de rédemption. La "douleur" se fit moins forte puis presque inexistante à mesure qu'il se sentait enveloppé dans un cocon. *** Raf, de son coté, ne savait plus très bien où elle en était. Elle trouvait son voisin charmant et nul doute qu'elle désirait, autant que lui, mieux faire connaissance. Pourtant elle avait peur. Toutes les relations qu'elle avait eues, bien qu'elles ne fussent pas nombreuses, s'étaient terminées en désastre. La jeune femme en avait souffert même si elle avait fait croire à tout le monde que ce n'était pas grave. Elle s'était jurée d'être plus prudente et avait construit autour d'elle des murailles tellement hautes qu'elle-même avait à présent beaucoup de mal à les franchir. Rafaela était maintenant au bord de la crise de panique. Elle commença par ranger l'appartement pour s'occuper l'esprit et ne plus penser à ce voisin qui lui plaisait tant. Mais cela ne suffit pas à la calmer. Le cur battant, elle refit le tour du petit studio, s'asseyant sur le lit, allant à la fenêtre puis venant s'installer sur le canapé. Que devait-elle faire ? Se demandait-elle sans cesse. Raf prit un livre pour tenter de se libérer l'esprit mais elle ne réussit pas à se concentrer assez pour comprendre ce qu'elle lisait. Elle le posa sur la table basse et alluma la T.V. Elle zappa distraitement mais ne trouva rien qui puisse l'intéresser. Elle regarda l'ordinateur avec envie, elle aurait voulu en parler à Valérie, mais elle ne pouvait pas. Elle se sentait stupide sachant que sa peur était irrationnelle et qu'elle aurait du mal trouver les mots pour l'expliquer. Le téléphone sonna en la faisant sursauter. - Salut, fit une voix qu'elle connaissait bien. Je venais voir si tu
étais toujours vivante. Elle raccrocha laissant Val dubitative. Raf avait réussi à détourner la conversation et elle ne lui avait rien appris. Elle était quand même inquiète, elle connaissait la jeune femme et elle savait qu'il était rare qu'elle lui fasse cachotteries. Valérie sentait que c'était le cas. Elle ne lui disait pas tout. Elle soupira et alla rejoindra son mari et sa fille pour dîner. Elle devait réfléchir à une stratégie pour faire parler son amie. De son coté, Raf souffla. Elle avait tant bien que mal réussi à ne pas répondre aux questions pressantes de sa meilleure amie. Elle alla prendre une douche pour se détendre. Peut-être que si elle était plus calme, elle trouverait une réponse satisfaisante à ses craintes. Elle dîna puis s'installa devant la TV en attendant l'arrivée de son amie sur la messagerie. Elle en était venue à la conclusion que la meilleure solution serait de ne plus revoir Daniel. Elle ne se sentait pas prête pour une autre relation à long terme et puis il y avait cette boite en fer blanc. Elle n'avait aucune peine à imaginer à quoi pouvait servir le contenu. Elle avait déjà eu un petit ami alcoolique et un autre passant son temps à fumer des joints, alors il valait mieux pour elle qu'elle laisse tomber. Elle se sentit soulagée même si elle ne pouvait s'empêcher de penser au bonheur que se serait d'être entre les bras de son voisin. *** Il ne se passa rien pendant près d'une semaine. Raf avait déposé le linge propre devant le pas de la porte de Daniel. Elle avait frappé mais il ne n'avait pas ouvert. Pourtant elle savait qu'il était chez lui. Elle l'avait vu revenir de son travail. Elle soupira et s'en alla rejoindre Valérie qui était venue la chercher. Elles avaient prévu de passer la journée à se balader dans la capitale et à commettre quelques folies. - Alors tu l'as vu ? Demanda celle-ci en démarrant la voiture. Elle vit immédiatement le visage de son amie se refermer et elle se maudit de sa maladresse. Un silence gêné régna pendant un moment puis la conversation repris sur un autre sujet, et Raf sortit de nouveau de sa coquille. *** Quelques jours plus tard, Rafaela se sentait misérable. Elle était allée voir sa mère dans l'Est de la France et avait pris froid. Elle avait espéré que cela passerait avec un "traitement maison " mais son état s'était aggravé, et elle avait dû se résoudre à appeler un médecin pour qu'il vienne l'ausculter chez elle. Elle traînait une forte fièvre depuis deux jours, elle avait le nez bouché, du mal à respirer et toussait à s'en arracher les poumons. Le médecin la réprimanda parce qu'elle avait tardé à consulter. Il lui prescrivit des antibiotiques et une semaine de repos bien au chaud. Elle s'habilla à grand peine, prit son sac et son manteau. Elle devait aller chercher ses médicaments à la pharmacie, c'était l'un des inconvénients de vivre seule. Elle descendit et se trouva nez à nez avec Daniel qui la dévisagea surpris. Il ne s'attendait pas à la voir à cette heure-là de la matinée. - Bonjour, la salua-t-il timidement. Elle répondit à peine. Elle n'était pas vraiment d'humeur à faire la conversation. Elle n'avait qu'une seule envie, c'était de retrouver sa couette au plus vite. - Vous êtes sûre que ça va ? Il sourit, cela lui rappelait l'amabilité légendaire dont faisait preuve un certain Russe de sa connaissance. - Je vois. Vous devriez pas être dans votre lit, vous ? Elle la lui mit dans les mains puis, sans rien dire, remonta l'escalier et claqua la porte, faisant sursauter Daniel qui ne s'attendait pas à un tel mouvement d'humeur. Après avoir remis son pyjama, Raf se glissa sous sa couette en frissonnant. Même si elle lui en voulait terriblement, elle lui était quand même reconnaissante de lui avoir épargné une sortie par une matinée aussi froide. Une demi-heure plus tard, on toqua à la porte. Rafaela se leva avec peine. - Et voilà ! Dit Daniel en entrant dans l'appartement. Je vous
ai même rapporté des croissants. Elle voulait à la fois qu'il s'en aille et qu'il reste. Elle ne voulait pas rester seule. Elle avait appelé Valérie après la visite du médecin mais celle-ci ne pourrait venir qu'en fin d'après midi, elle avait une journée chargée à son bureau. Elle avait des rendez-vous qu'elle ne pouvait pas déplacer. Daniel haussa les épaules, il pouvait comprendre la mauvaise humeur de Raf même si cela le désarçonnait quelque peu. Il ouvrit le frigo et y trouva le lait qu'il fit chauffer. Il prépara un plateau avec une tasse de chocolat et un croissant qu'il lui apporta au lit. - Je vous ai dit que je n'avais pas faim, grommela-t-elle. Elle le fusilla du regard tout en goûtant la boisson. Ce n'était pas mauvais et, comme pour lui donner raison, son estomac grogna. Elle mangea le croissant, prit les médicaments que Daniel lui avait posé sur le plateau et s'allongea de nouveau. Elle se sentait très fatiguée et ne voulait qu'une seule chose : dormir. - Je vais vous laisser vous reposer, je repasserais tout à l'heure. Il s'approcha d'elle. La fièvre et les médicaments aidant, elle s'était endormie. Il lui caressa les cheveux puis sortit sans faire de bruit. Il reviendrait avec un bon bouillon dont il avait gardé la recette. Il rentra dans son appartement et se laissa tomber sur son vieux fauteuil. Il soupira, il ne comprenait pas. Il croyait que les bonnes choses n'étaient pas pour lui et le destin s'évertuait à le mettre face à la personne qu'il voulait éviter à tout prix. Il se sentait bien avec Raf, en sécurité. Elle semblait ne pas le juger. Néanmoins, il avait remarqué un manque de confiance évident qu'elle savait cacher derrière une armure. Il secoua la tête. Comment pouvaient-ils être si semblables et si différents à la fois ? Il se demanda ce qui avait pu amener la jeune femme à préférer une vie de solitude à une vie de famille. Il resta un long moment à réfléchir tout en buvant un verre de bourbon qui traînait sur la table basse. Vers 13h, il monta de nouveau, les bras chargés d'une bonne soupe que sa mère lui faisait quand il était petit. La porte n'était pas fermée à clé, il entra après avoir toqué. La jeune femme dormait encore. Il s'approcha et posa sa main sur son front. Il fut soulagé de constater que sa température avait baissé. - Daniel ? Murmura-t-elle surprise de le trouver assis au bord de son
lit. J'ai dormi longtemps ? Il se leva et alla chercher le bouillon. Il ramena deux bols presque pleins avec un peu de pain frais qu'il avait ramené avec les croissants. Ils mangèrent en silence. Quand ils eurent terminé, Daniel fit la vaisselle tandis que Raf cherchait quelque chose à regarder. Elle opta pour la comédie musicale " Roméo et Juliette ". Sans mot dire, Daniel s'installa près de la jeune femme pour regarder la télé. Surprise au début, elle n'en était pas moins heureuse de n'être pas seule. L'après-midi se passa rapidement et agréablement. La nuit tombait déjà et l'émission touchait à sa fin. Rafaela tourna un regard curieux vers son compagnon et se rendit compte qu'il était ému par cette histoire d'amour impossible. Un homme qui montre ses émotions C'était plutôt rare. Elle fut prise d'une envie irrésistible de l'embrasser, elle lutta un instant puis, avec beaucoup de légèreté, déposa un baiser sur sa joue. Il tourna vers elle des yeux emplis de surprise. Le temps parut se suspendre quand il l'embrassa avec tendresse et passion. Elle répondit à ce baiser avec fougue jusqu'à ce qu'une quinte de toux les oblige à se séparer. Le silence retomba seulement pour être interrompu par la sonnette de la porte d'entrée. Daniel se leva et alla ouvrir. Valérie avait enfin pu se libérer. Elle fut surprise de voir le voisin de Raf lui ouvrir la porte. - Bonjour, dit-elle en lui tendant la main. Il avait l'impression de se retrouver sous un microscope, sous le regard inquisiteur de la visiteuse. Il se tourna vers sa voisine, lui fit un sourire puis s'éclipsa en leur souhaitant une bonne soirée. Raf protesta pour la forme. Il répliqua que le travail n'attendait pas mais qu'il repasserait le lendemain pour voir comment elle allait. D'ici là, il était convaincu qu'elle était en de bonnes mains. - Alors ? Fit Val quand Daniel fut sortit. Elle passèrent le reste de la soirée à parler de choses et d'autres en s'extasiant devant la T.V. sur de beaux gosses. Raf avait une impression de malaise, elle n'aurait pu dire si c'était dû à sa bronchite ou au baiser de son voisin. Valérie remarqua bien que son amie était perturbée mais elle ne voulut pas la presser de questions. Elle parlerait quand ce serait le moment. *** Daniel était redescendu et, après avoir fermé la porte de son appartement, il sentit un grand vide. Il n'avait qu'une envie : retourner auprès de la jeune femme avec qui il avait passé une excellente après midi. Pourtant il savait qu'une fois qu'elle découvrirait qui il était vraiment, et ce qu'il avait fait, elle ne pourrait plus l'aimer. Il n'était qu'un alcoolique et accessoirement un drogué. Qui voudrait de quelqu'un comme lui ? Il se servit une rasade de whisky avant de se changer pour aller travailler. Travailler, un bien grand mot. Il jouait les videurs dans un espèce de bouge dans un quartier mal fréquenté de la capitale. Les clients étaient des alcooliques et des camés comme lui. Il avait honte, honte de ce qu'il était devenu. Il n'était plus que l'ombre de lui-même. Il sentit la " douleur " revenir au galop et ferma les yeux. Il fallait qu'il se maîtrise, qu'il la maîtrise, la nuit risquait d'être longue et il n'avait plus de " calmant ". Il but encore un verre de whisky et sortit. *** Il revint le lendemain comme il l'avait promis et Raf en fut heureuse, même si la peur lui tenaillait les entrailles. Elle avait d'une part très envie qu'il la prenne dans ses bras et la câline. Mais, d'un autre coté, elle avait peur de perdre son indépendance. Elle avait appris à aimer la solitude, même si elle admettait que c'était dur parfois, à faire ce qui lui plaisait quand elle le voulait. En fait, elle était seule depuis si longtemps qu'elle avait peur de ne plus savoir s'accommoder de la vie à deux, de faire des concessions. Ils discutèrent et Daniel découvrait peu à peu une jeune femme intéressante, différente de l'image sévère qu'elle donnait d'elle. Il parla peu de lui préférant laisser Raf faire la conversation. Lui aussi avait peur mais pour d'autres raisons. Il avait peur d'être de nouveau heureux. Il avait peur de tomber amoureux pour se rendre compte que ce n'était pas partagé, bien qu'il soit déjà trop tard : il était sous le charme de Rafaela qui ne semblait pas en avoir conscience. Il savait que de toute manière leur relation était perdue d'avance. Ils se quittèrent de nouveau à regrets, se promettant de se revoir le jour suivant. Val, de son coté, était inquiète. Raf ne lui parlait toujours pas et dès qu'elle essayait d'aborder le sujet du fameux voisin, son amie se refermait comme une huître et la laissait dans le flou le plus total. Elle qui n'arrêtait pas de lui parler de Daniel avait, du jour au lendemain, arrêté tout commentaire. *** Raf se remit de sa bronchite et recommença à travailler une semaine plus tard. Les visites de Daniel se faisaient moins fréquentes mais il tâchait de passer au moins deux à trois fois par semaine sous divers prétextes, un film qu'il avait loué, un livre à emprunter ou parfois même avec pour seule excuse son envie de la voir. Il avait réussi à maîtriser la "douleur" avec la boisson seule, les injections étaient de moins en moins fréquentes pour ne pas dire inexistantes depuis deux mois qu'ils se voyaient. Il en était content car il savait que cela pouvait le tuer à n'importe quel moment mais restait le problème de l'alcool. Il ne pouvait s'en passer, c'était le seul remède qu'il avait trouvé pour faire taire sa peine, ses remords et ses regrets. Il savait pourtant que Raf détestait l'alcool au point de ne jamais en boire et de n'en avoir chez elle que pour faire la cuisine. Tôt ou tard, il se doutait bien qu'elle remarquerait sa dépendance qu'il avait réussit à cacher jusqu'à présent. Il ne savait pas comment elle réagirait ou plutôt il ne le savait que trop bien, elle serait déçue et peut-être même ne voudrait-elle plus de lui. Elle gardait quelques souvenirs désagréables de l'alcoolisme de son père décédé quand elle était enfant. Elle en avait conçu une véritable répulsion à l'encontre de toute boisson alcoolisée. *** Les fêtes de Noël approchaient à grands pas. On était début décembre et la ville s'était parée de ses plus beaux atours pour accueillir ce temps de fêtes. Raf détestait cette période de l'année et son humeur s'en ressentait. Elle était souvent proche des larmes, sans vraiment savoir pourquoi, ou se mettait en colère pour un rien. Ceux qui ne la connaissaient pas bien étaient surpris par ce changement d'attitude. Cette année, Rafaela savait qu'elle passerait les fêtes seule. Sa mère était trop âgée et en trop mauvaise santé pour faire le déplacement. Elle ne pouvait pas se rendre chez elle parce que, dans la grande distribution, la période de Noël était l'un des moments les plus importants de l'année. De plus, elle venait d'arriver dans la société. Il était donc impensable qu'elle puisse prendre des congés. Elle savait que Daniel travaillait les deux soirs de réveillon. Il l'avait mentionné pendant l'une de leurs conversations quelque temps auparavant, ce qui lui enlevait tout espoir d'avoir de la compagnie. Elle avait bien pensé à en parler à Val mais elle y avait renoncé. Son amie devait dîner en famille avec ses parents et ceux de son mari. Il était hors de question pour elle de s'imposer. En ce premier samedi de décembre, Raf ressemblait à un lion en cage. Elle ne savait pas pourquoi elle était aussi nerveuse. Peut-être était-ce parce que Daniel l'avait invité au restaurant ? C'était leur première sortie officielle et elle se sentait redevenir une collégienne à son premier rendez-vous. Elle avait perdu l'habitude de ce genre de choses, cela faisait si longtemps au moins 2 ans et demi. Valérie devait arriver pour l'aider à se préparer. Elle alla à la fenêtre. Une fine pellicule blanche recouvrait la cour intérieure. Il neigeait depuis le petit matin et cela avait l'air de tenir. Si cela continuait, ils auraient un Noël blanc comme le désirait tant Val. Enfin, celle-ci arriva, il était presque 17h30. - Coucou ma puce, tu étais impatiente de me voir ? Demanda-t-elle
d'un air mutin. Raf ne put s'empêcher de rire. Elle secoua la tête tout en ouvrant son armoire bien grande, qu'allait-elle bien pouvoir porter pour ce dîner ? Daniel lui avait dit sur le ton de la plaisanterie qu'une tenue correcte était exigée. Non qu'elle se vêtit mal, mais elle aimait les vêtement amples et les fuseaux dans lesquels elle se sentait particulièrement à l'aise. C'était une tenue adéquate pour aller travailler mais pas pour un dîner en tête-à-tête. - Alors ? Demanda Val, tu as trouvé quelque chose à te
mettre ? Raf s'enferma dans la salle de bain en maugréant. Pourquoi diable avait-il fallu qu'elle accepte cette invitation ? Pourquoi ne pouvaient-ils pas dîner d'une pizza en regardant la T.V. comme ils le faisaient presque tous les samedis soirs ? *** Daniel s'interrogeait pour savoir s'il n'avait pas fait une erreur. Il se demandait ce qui lui avait pris de vouloir l'emmener dîner. Ou plutôt si, il le savait, il avait envie de se montrer au bras d'une femme, sortir de la routine et faire un pas de plus dans leur relation. Il devait pourtant combattre, à chaque minute, la peur qui lui tenaillait les entrailles. Il prit dans l'armoire un complet noir et une chemise bleue claire et compléta le tout d'une cravate d'un bleu plus foncé. C'étaient les vestiges de son ancienne garde-robe, il avait tout laissé à New York quand il était parti. Non, se reprit-il, quand il s'était sauvé. Il était bien loin le temps des costumes et des chemises bariolées qu'il avait adorées porter dans une autre vie. Il prit une douche, se rasa consciencieusement puis s'habilla. Daniel regarda sa montre. Il était juste à l'heure pour aller chercher la jeune femme. Il monta les marches quatre à quatre et sonna. Valérie vint lui ouvrir. Elle l'inspecta d'un regard inquisiteur et lui sourit, visiblement satisfaite de son apparence. Elle le laissa entrer et il s'arrêta net quand il vit Raf. Elle portait un ensemble de laine fuchsia composé d'un pull col roulé et d'une jupe droite longue. Elle avait, pour une fois, lâché ses cheveux et ne portait qu'une petite pince pour les empêcher de lui retomber sur le visage. Un léger maquillage mettait en valeur ses yeux bleus et son teint pâle était éclairé par la couleur de son ensemble. Elle lui dédia un sourire timide, auquel il répondit en rougissant. Son cur battait la chamade, il avait du mal à trouver les mots. Elle était belle, si belle à ses yeux. Elle prit son sac et son manteau, embrassa Valérie et ils partirent en se tenant par la main comme deux collégiens. *** Le restaurant était à environ dix minutes de marche. Daniel l'avait découvert presque par hasard. Ils arrivèrent et le patron les installa en fond de salle, près d'un feu de cheminé. Une jolie nappe fleurie dans des tons pastel ornait une table qui n'attendait plus que les convives. Des bougies éclairaient un petit bouquet de violettes qui en égayait le centre. Pendant un moment, il y eut un silence presque gêné, aucun des deux n'osant entamer la conversation. Ils examinèrent, avec beaucoup trop d'attention, le menu pour se donner une contenance. Ils commandèrent, se sourirent timidement et Daniel engagea la conversation. L'atmosphère se détendit et bientôt ils oublièrent leur gêne du début. La soirée se passa agréablement, la nourriture était exquise. Cependant quelque chose gênait Raf. Elle n'arrivait pas à savoir ce que c'était, tout semblait pourtant parfait. Ce fut à la fin du repas qu'elle se rendit compte que Daniel avait bu beaucoup plus qu'il n'y paraissait. Elle s'excusa et alla s'enfermer dans les toilettes. Elle se regarda dans la glace et sentit ses yeux se remplir de larmes. Elle n'arrivait pas à croire que cela puisse encore lui arriver. Pourquoi devait-elle toujours tomber amoureuse de personnes susceptibles de lui faire du mal ? Amoureuse ? Avait-elle dit amoureuse ? Non, cela ne pouvait être et pourtant elle dut admettre que l'homme qui l'attendait patiemment depuis une dizaine de minutes était l'Homme de Sa Vie. Sa tête lui disait de le laisser tomber mais son cur lui demandait de lui laisser une chance supplémentaire. Elle se trompait peut-être. Elle soupira et alla rejoindre son compagnon. Ils rentrèrent la main dans la main. Malgré ses doutes, Raf se sentait bien avec Daniel. Il la raccompagna jusque devant sa porte. Leurs regards se croisèrent et refusèrent de se quitter. Pris d'une impulsion subite, il la plaqua contre la porte et l'embrassa avec une passion exacerbée. Elle était la meilleure chose qui lui était arrivée depuis qu'il avait quitté New York. Raf répondit à son baiser avec tout autant de fougue. Le cur battant, elle se demandait s'ils allaient sauter le pas ce soir-là. Quand enfin ils séparèrent à bout de souffle, il la prit dans ses bras et la serra aussi fort qu'il le put. Rafaela se laissa aller sur son épaule, son cur débordant de tendresse. Il l'embrassa de nouveau, lui souhaita de doux rêves et redescendit se réfugier dans son appartement. La "douleur " revenait s'infiltrer en lui et ternir ce bonheur tout neuf. Il la sentait monter et essaya désespérément de la combattre. Il s'allongea sur le lit défait et ferma les yeux. Il tenta de fixer son esprit sur l'amour que Raf avait pour lui, il l'avait ressentit tant il était réel, il aurait presque pu le toucher. Mais les seules images qui venaient étaient celle de l'explosion de l'entrepôt et des paroles de Largo à son encontre. Celles-ci résonnaient en boucle dans son esprit fatigué. Il se leva, chercha une bouteille de cognac et s'en servit un verre. Peut-être que cela pourrait l'aider. Mais rien n'y fit. Il but une longue gorgée à même la bouteille mais rien ne semblait calmer ce cauchemar qui envahissait chaque fibre de son être. Il se leva, se déshabilla et alla prendre une douche. Il fallait qu'il résiste. Quand il en sortit, une serviette rouge autour de la taille, il regarda autour de lui. Il ne savait plus ce qu'il devait faire. La " douleur " était toujours là, prête à le dévorer tout entier, prête à le faire disparaître de la surface de la terre. Il jeta un coup d'il anxieux vers le placard en dessous de l'évier. Et si Non, il ne fallait pas. Pourtant, ce serait si facile. Il s'allongea de nouveau sur son lit et ferma les yeux, il ne voulait plus penser. Il se roula en boule et se plaqua les mains contre les oreilles, en espérant que cela l'empêcherait d'entendre la voix de son meilleur ami lui disant de sortir de sa vie. Daniel était désespéré. Il avait l'impression qu'il était en train de devenir fou. Il n'y avait rien qui pouvait l'aider, hormis une certaine chose qu'il voulait éviter à tout prix. Cette chose, c'était la neige blanche qui oblitérerait tous ces événements dans son esprit et le laisserait, le jour suivant, épuisé et sans forces. Pourquoi fallait-il qu'il souffre ? Pourquoi ne pouvait-il pas recommencer à vivre ? Il aimait Raf, il en était sûr. Elle l'aimait aussi malgré ses hésitations et ses doutes. Elle ne lui en parlait pas, sans doute avait-elle peur qu'il se moque d'elle ou qu'il ne comprenne pas, mais, par moments, il pouvait voir dans ses yeux des questions qui restaient sans réponses, des doutes silencieux qui la minaient. Elle semblait convaincue qu'elle n'était pas faite pour une relation à long terme. Il avait bien tenté de la rassurer sans en avoir l'air mais cela n'avait eu aucun effet. Il se retourna dans le lit en gémissant, la brûlure se faisait plus forte. Pourquoi fallait-il qu'il mette en péril ce qu'il tentait de construire ? Il se doutait bien de la réponse. Tant qu'il ne se pardonnerait pas ce qui était arrivé à Joy, il ne pourrait pas être heureux. Il se leva de nouveau, attrapa un pantalon de jogging et un tee-shirt, il devait sortir de là. Une fois sur le palier, il hésita sur la direction à prendre. Devait-il sortir noyer sa terreur entre les bras d'une inconnue quelconque ou bien ? *** Raf était ravie de sa soirée. Elle se déshabilla et se mit en pyjama. Elle n'avait pas très envie de se mettre au lit, malgré l'heure tardive, elle était trop excitée pour cela. Elle alla se chercher un yaourt dans le frigo et s'installa devant la TV. Elle regarda d'un il interrogateur son ordinateur qui était, pour une fois, éteint. Elle se demanda si Val était en ligne mais d'un autre coté qu'allait-elle lui dire ? Elle soupira. Elle avait encore de la peine à croire que Daniel l'ait embrassée avec une telle fougue. Il l'aimait, elle aurait pu en mettre sa main au feu. Pourtant elle ne savait si elle devait s'en réjouir ou pas, même si ce baiser avait eu sur elle l'effet d'une bombe. Elle s'était sentie fondre entre ses bras. En son fort intérieur, elle savait que, même si c'était la chose la plus raisonnable à faire, elle aurait beaucoup de mal à renoncer à lui. Pourtant il lui fallait bien admettre qu'avoir un petit ami qui touche aux drogues dures, c'était chercher des ennuis et les trouver. Non seulement il y avait la drogue, mais il y avait l'alcool aussi ! Non, ce n'était pas raisonnable néanmoins elle n'était pas prête à le laisser partir. Elle ne put aller plus loin dans ses pensées, un bruit la tira de ses réflexions. Elle tendit l'oreille croyant avoir mal entendu. Il lui semblait qu'on toquait à la porte. Raf alla ouvrir et resta interdite devant l'image qui s'offrait à elle. - Daniel ? Que se passe-t-il ? Ca ne va pas ? Il ne répondit pas, il se contenta de l'enlacer et de la serrer très fort dans ses bras. Il voulait sentir la chaleur de son corps l'envelopper pour combattre ce froid qui s'insinuait au plus profond de lui. Surprise, Rafaela le fit entrer. Toujours en silence, ils s'installèrent sur le canapé. - Daniel ? Qu'y a-t-il ? Une boule dans la gorge l'empêchait de parler. Tout ce qu'il voulait, c'était sentir Raf contre lui. Elle lui donnait la sensation d'être en vie, d'exister encore en tant qu'être humain. - Daniel ? Je t'en prie, dis-moi ce qu'il y a ? Il secoua légèrement la tête. Il ne voulait pas en parler, il voulait juste rester là, dans ces bras rassurants et pleins d'amour qui lui réchauffait l'âme. Constatant qu'elle n'obtiendrait rien de plus, Raf se contenta de caresser son épaisse chevelure en lui murmurant des mots rassurants. Il laissa couler des larmes qu'il avait trop longtemps retenues. Il pleura sur Joy, sur lui, sur ce qu'il avait perdu. Il laissait sortir tout ce qu'il avait retenu depuis son arrivée à Paris. Il finit par s'endormir, épuisé, sur l'épaule de la jeune femme, qui le coucha sur le canapé, le couvrit avec une couverture avant de se mettre elle-même au lit. Elle resta longtemps les yeux ouverts dans le noir se rejouant la scène dans sa tête, tout en se demandant ce qui avait pu provoquer une telle crise. Elle finit par sombrer dans le sommeil avec des questions dépourvues de réponses plein la tête. Quand elle se réveilla le matin suivant, Daniel était déjà parti, il avait laissé une note : Merci
Rafaela la relut une bonne centaine de fois, avant de la ranger dans le tiroir de sa table de chevet. Elle avait du mal à croire que c'était vrai. Personne ne lui avait jamais dit ces mots-là. Soudain elle fut prise de panique et si, quand il reprendrait ses esprits, il réalisait qu'il avait fait une erreur ? Elle soupira et ressortit la note pour se prouver qu'elle ne devait avoir aucune crainte. *** La ville ressemblait à une fourmilière en cette veille de Noël. Chacun était pressé de rentrer pour passer les fêtes avec leurs proches. La neige ne cessait de tomber depuis deux jours. Largo regardait la nuit tomber sur cette métropole qui ne s'arrêtait jamais. Lui aussi allait passer cette soirée avec tous les gens qu'il aimait et qui formaient une famille, avec tous sauf un, le plus important, son frère, son ami. Où pouvait bien être Simon ? Il avait disparu à son arrivée à Londres. D'ailleurs était-il encore en Angleterre ou avait-il simplement fait escale dans le pays ? Cela faisait maintenant presque un an qu'ils avaient perdu toute trace de lui Un an que Kerensky s'acharnait sur ses chers ordinateurs pour le retrouver Un an qu'ils restaient désespérément muets. Le Suisse avait effacé toute trace de son passage. - Chéri ? Fit une voix derrière lui. Il se retourna pour voir Joy sortir de la chambre. Elle portait un tailleur pantalon vert pâle qui mettait en valeur ses yeux marrons. Elle avait laissé pousser ses cheveux qui lui arrivaient maintenant aux épaules. Elle s'avança doucement dans la pièce s'appuyant sur sa canne, dernier vestige de ses blessures dues à l'explosion. D'après le médecin, il lui faudrait encore six mois d'efforts pour retrouver toute sa motricité. Largo la regarda avec tendresse et amour. - Tu veux bien m'aider ? Demanda-t-elle en désignant le collier de perle qu'elle tenait dans la main. Il hocha la tête et vint la rejoindre. Quand il eut fixé le bijou, il s'écarta et la regarda. Elle était splendide. Et dire qu'il avait failli la perdre Joy avait eu beaucoup de mal à lui pardonner le départ de Simon. Cela les avait séparé un temps puis le destin s'acharnant, ils s'étaient à nouveau retrouvés. Il détourna les yeux avant qu'elle puisse remarquer sa tristesse et regarda le sapin qui éclairait une partie de la pièce de ses petites lumières scintillantes. - Simon te manque, n'est-ce pas ? Demanda-t-elle en lui posant une main sur l'épaule. Il ne répondit pas, il se contenta de l'enlacer et de nicher sa tête dans le creux de son épaule. Elle avait raison. Le Suisse lui manquait énormément, jamais il ne se pardonnerait ce coup de folie. - Largo
Je sais que tu ne veux pas en parler mais tôt ou
tard, il faudra bien que tu le fasses. Tu ne peux pas continuer à
tout garder pour toi, cela va finir par te détruire à petit
feu. Joy soupira. Chaque fois qu'elle abordait le sujet, elle avait l'impression de parler à un mur. Le milliardaire refusait obstinément de discuter de Simon comme si le simple fait de prononcer son nom le blessait. - Ecoute-moi, je sais qu'il te manque. Il me manque à moi aussi.
Qui aurait cru qu'un jour, j'en viendrai à regretter son humour
à deux sous et ses chemises bariolées ? Mais arrête
de te torturer ainsi. *** Daniel terminait de se préparer pour aller travailler en ce 24 décembre. C'était la seule solution qu'il avait trouvée pour ne pas penser. Travailler Non, plutôt s'abrutir d'alcool toute la soirée pour ne pas revoir dans sa tête ces images qui le hantaient. C'était toujours les mêmes, elles lui collaient à la peau et il ne pouvait s'en débarrasser. Les fêtes avaient eu sur lui un effet étrange. Il se sentait déconnecté. Il avait l'impression que cette année, il n'y avait pas de réveillons et que Noël, et la Saint Sylvestre, étaient des jours tout à fait normaux et non pas des occasions de retrouver les êtres aimés. Les êtres aimés . Il ne put s'empêcher de penser à Raf. Il était presque 19h, et elle n'était pas encore rentrée de son travail. Elle lui avait dit qu'elle passerait son réveillon chez sa meilleure amie ce qui l'avait soulagé. Il se sentait un peu coupable de ne pouvoir rester avec elle. Mais surtout, il ne voulait pas qu'elle voit à quel point il avait honte de lui, quelle épave il était en train de devenir. Il restait convaincu que personne ne pouvait le sauver. Il avait essayé de rompre avec elle plus d'une fois, pour l'épargner et lui faire le moins de mal possible. Pourtant, dès qu'il se trouvait devant elle, il ne pouvait se résoudre à le faire tant son sentiment pour elle était fort. Il était réciproque, il le savait mais était-il assez fort pour supporter sa déchéance ? Il buvait beaucoup trop et il en avait conscience mais il n'avait pas encore trouvé suffisamment de forces pour lutter contre cette dépendance. Il savait très bien que ce n'était pas pour Raf qu'il devait le faire, mais pour lui. C'était en lui qu'il devait trouver les raisons de remonter à la surface mais pour le moment, il trouvait qu'il ne méritait pas encore un tel cadeau. Il lança un dernier regard à la glace, ferma la porte de la salle de bain, prit ses clés et claqua la porte. Il était temps de laisser tomber le masque. Quand Raf rentra, il était presque 20h, elle avait travaillé toute la journée à remplir les rayons du magasin. Toute l'équipe administrative avait été réquisitionnée pour donner un coup de main. Elle se sentait vidée et épuisée. Elle traversa la cour intérieure et lança un regard vers les fenêtres de Daniel. Tout était plongé dans l'obscurité. Tout semblait endormi. Cela voulait dire qu'il était déjà parti et ne découvrirait pas son petit mensonge. Rafaela savait que Daniel se sentait coupable de ne pas passer la soirée avec elle, aussi lui avait-elle dit qu'elle dînait chez Val. A Valérie, qui s'inquiétait de la savoir seule en ce soir de réveillon, elle avait raconté qu'elle dînait avec Daniel pour la rassurer. Elle s'en voulait de lui mentir mais elle n'était pas d'humeur très sociable et ne voulait gâcher la fête de personne. Elle monta avec lenteur les marches. Elle n'avait qu'une seule envie, enlever ses chaussures, se glisser sous la douche et se mettre au lit pour regarder la TV en grignotant des friandises. Pourtant elle était si fatiguée qu'une fois au lit, elle s'endormit tout en regardant un film romantique, une histoire d'amour impossible qui finissait bien. Elle se réveilla le lendemain à l'aube. Elle éteignit la TV, se recoucha et s'endormit de nouveau. Ce ne fut que quand le téléphone sonna vers midi qu'elle se réveilla. C'était Valérie qui voulait savoir si elle voulait venir dîner le soir même avec Ilia, son mari, Cassandra, sa fille, et elle. Elle fut tentée de refuser pour les laisser en amoureux mais, connaissant sa meilleure amie, elle était sûre que cela lui mettrait la puce à l'oreille. Elle accepta tout en se disant qu'elle n'avait nulle envie de bouger de dessous sa couette. L'après-midi passa vite et à 18h30 Ilia vint la chercher. En passant devant la porte de Daniel, elle se demanda où il avait bien pu passer. Elle ne l'avait pas entendu rentrer ce matin. Peut-être que Des images lui vinrent en tête et elle ferma les yeux. Elle le voyait dans une ruelle, ensanglanté, mort peut-être. - Ca va ? Demanda Ilia s'inquiétant de sa pâleur. Il trouvait que la jeune femme travaillait beaucoup trop. Il en avait déjà touché un mot à sa femme qui était d'accord avec lui. Ils avaient décidé d'un commun accord de veiller sur la santé de Rafaela puisque celle-ci ne le faisait pas. - Oui, oui juste un peu de fatigue, c'est de la folie au magasin en ce
moment, répondit-elle en baissant les yeux pour ne pas qu'il remarque
son trouble. Elle regretta aussitôt ses paroles. Elle monta dans la voiture en baissant la tête. Ilia la regarda avec surprise. Jamais il n'aurait imaginé que Raf puisse penser cela. Bien sûr, au début, il avait été jaloux. Il ne comprenait pas ce besoin qu'avaient les deux amies de communiquer à tout moment, de se parler presque continuellement et de passer de nombreuses heures ensemble, parfois à ne rien faire, sinon à partager un film. Il s'était senti menacé quelque part de voir sa femme passer plus de temps avec Raf qu'avec lui. Par la suite, il ne put que convenir que cette relation était bénéfique pour toutes les deux, l'une aidant l'autre à surmonter les petits ennuis de la vie quotidienne. Il s'était habitué à la présence de Raf dans leur vie et avait développé pour elle une grande tendresse. En un mot, elle faisait partie de la famille. Ils avaient eu du mal à le lui faire comprendre et il pensait que cette histoire était réglée depuis longtemps. Alors à quoi était due cette remarque acerbe ? - Raf ? Raf ne répondit pas tout de suite. Elle se maudissait d'avoir laisser échapper cette remarque. Il était vrai que depuis qu'elle avait entendu un début de dispute, entre son amie et son mari, pendant laquelle il lui reprochait le temps passé avec elle, Raf faisait très attention à ne plus envahir leur intimité autrement que par ordinateur interposé. Elle limitait ses visites au domicile de sa meilleure amie le plus possible, préférant que ce soit Val qui se déplace. - Laisse tomber ok ? Ces paroles l'avaient blessée mais elle n'en avait soufflé mot à personne. En fait, elle n'aurait même pas dû les entendre. Apres une après-midi à discuter sur le nouveau travail de Raf, elle était partie à l'arrivée d'Ilia qui, étant d'une humeur massacrante, lui avait à peine dit bonjour. Arrivée en bas, elle s'était rendue compte qu'il pleuvait à verse et qu'elle avait laissé son parapluie dans le couloir. Apres une brève hésitation, elle s'était décidée à aller le récupérer. Quand elle était arrivée sur le palier, elle avait entendu des éclats de voix. Val et Ilia étaient en train de se disputer. Elle avait renoncé à sonner. Avec discrétion, elle avait ouvert la porte avec son trousseau de clés et prit son parapluie au moment même où Ilia reprochait à sa femme son lien avec elle. Les larmes aux yeux, elle était sortie de l'appartement. C'est à partir de ce moment là, qu'elle avait décidé de ne plus aller chez Val sauf si elle n'avait pas d'autre choix. - Je ne t'ai jamais dit cela, affirma Ilia. Le visage d'Ilia se figea. La dispute avec sa femme lui revenait en mémoire. Il était en colère et il ne savait même plus pourquoi. La seule chose qu'il se rappelait, c'était que la présence de Raf à son arrivée n'avait fait que l'exacerber. - Val t'en a parlé ? Raf ne répondit pas, trop de sentiments se bousculaient en elle. Elle avait du mal à croire ce que venait de lui dire le mari de Valérie. Elle était sûre qu'il ne le pensait pas vraiment. - Regarde-moi Raf, je suis sincère quand je te dis que je regrette mes propos. Rafaela était toujours silencieuse. Une boule lui nouait la gorge. Il y avait eu trop de choses ces derniers temps, elle savait que si elle répondait, elle se mettrait à pleurer, et elle ne voulait pas pleurer devant Ilia. Elle soupira, visiblement il attendait qu'elle dise quelque chose mais elle avait du mal à trouver ses mots. - Raf ? Il tendit la main vers le contact mais la baissa aussitôt, il y avait plus. Quelque chose tourneboulait la jeune femme assise à coté de lui. - Raf ? S'il ne revenait pas avec elle, Val allait le tuer. Il traversa la rue à la suite de la jeune femme qui était en train de composer le code pour rentrer chez elle. Elle poussa la porte mais Ilia la retint par le bras. - Lâche-moi, fit Raf en essayant de se dégager de l'emprise
du mari de Valérie. Rafaela se débattit un instant mais il ne la relâcha pas. Au contraire, il la retenait de toutes ses forces et lui murmurait des mots qui n'avaient pas beaucoup de sens. Elle sentit la fatigue l'envahir et se laissa aller, des larmes coulant sur son visage. Cela faisait des semaines qu'elle tenait bon pour ne pas se laisser déborder. Raf frissonna, la nuit était venue depuis longtemps et le froid devenait mordant. - Tu ne veux vraiment pas me dire ce qu'il y a ? Demanda le mari de Val en prenant le menton de la jeune femme pour la regarder dans les yeux. A tout garder pour toi, cela va finir par te miner. Raf secoua la tête. Non ? Tu ne veux pas en parler à tonton Ilia ? Fit-il avec un air mutin. Elle ne put s'empêcher de rire à travers ses larmes. Elle commençait à comprendre pourquoi son amie en était complètement folle malgré leurs cinq années de mariage. Ilia soupira, il avait au moins réussi à la faire sourire. - Tu ne veux vraiment pas m'en parler ? Raf soupira et secoua la tête. Ce mec était complètement dingue mais elle commençait à l'apprécier. Ce qu'il venait de faire et de dire l'avait beaucoup touchée. Caché sous un porche de l'autre coté de la rue, Daniel regardait Rafaela et Ilia. Il avait passé la nuit à boire et avait fini dans l'arrière salle où le patron avait installé un lit de camp pour ce genre de situation. Il était trop soûl pour rentrer et puis il avait honte, il ne voulait pas que Raf le voit dans cet état-là. Il avait dormi toute la journée, ne se réveillant qu'à la nuit tombée. Il avait enfin décidé de revenir chez lui. Il voulait voir la jeune femme qui occupait ses pensées. En arrivant près de l'immeuble, il l'avait vu sortir en compagnie d'un homme blond, aux cheveux mi-longs et d'une carrure imposante. Il s'était caché dans l'ombre, cet homme il le connaissait. C'était l'une des personnes qu'il fuyait depuis un an déjà. Il eut un moment de panique. Ce n'était pas possible, il avait tout fait pour effacer ses traces. Et puis comment se faisait-il que Raf eut une attitude aussi familière avec lui ? C'est alors qu'il entendit celle-ci l'appeler par un autre prénom que celui qu'il connaissait. L'homme ressemblait comme un jumeau à cet ami qu'il avait tenté d'effacer de sa mémoire. Si ce n'était pas lui, qui était-ce alors ? Un autre nom fut mentionné, celui de la meilleure amie de la jeune femme. C'était très obscur tout cela mais il était trop fatigué pour y réfléchir et sa tête menaçait d'exploser à tout moment. Il poussa un soupir de soulagement quand enfin ils montèrent en voiture et s'en allèrent. Qui que fut cette personne, il ne s'agissait pas de son ami même si la ressemblance était plus que troublante. Celui-ci n'agirait jamais aussi amicalement, ni ne sourirait, ni jouerait les clowns pour consoler une demoiselle en détresse. Il eut une pointe de jalousie. Raf était à lui et à personne d'autre, même si, selon lui, il était bien loin de la mériter. Il sortit de l'ombre et se dirigea vers l'immeuble où, après avoir composé le code d'entrée, il monta dans son appartement. Il prit une douche et s'allongea sur son lit. Il n'avait qu'une seule envie : dormir mais il savait que le sommeil ne viendrait pas. L'obscurité menaçait de le faire disparaître et il ne voulait pas cesser d'exister. Il voulait encore vivre, il voulait encore sentir et ressentir des choses. Il déboucha la bouteille de bourbon qui trônait sur sa table de nuit et en but une longue rasade puis une autre jusqu'à ce que la bouteille fut vide et que, soûl et épuisé, il se laisse glisser dans un sommeil sans rêves. *** La soirée se passa sans encombre pour Raf même si, au goût de Val, la jeune femme paraissait trop calme, absente même par moments. Elle n'avait pas manqué de remarquer les yeux rouges de celle-ci à son arrivée, elle avait voulu la questionner mais Ilia lui avait fait comprendre que ce n'était pas le moment. Quand celui-ci alla coucher Cassandra, Valérie en profita pour interroger son amie. Son mari avait pris l'habitude de passer une demi-heure avec sa fille tous les soirs, rien qu'eux deux, tout seuls, ils jouaient et lisaient, il répondait aux questions de la petite fille et celle-ci lui racontait sa journée d'école avec animation. - Tu es sûre que ça va ? Demanda doucement Valérie en regardant Raf se poster devant la fenêtre qui donnait sur le parc. Celle-ci soupira mais resta silencieuse. Elle savait qu'elle ne parviendrait pas à cacher plus longtemps son état d'esprit mais elle aurait voulu avoir plus de temps pour analyser la situation. - Je n'aime pas quand tu fais cela, soupira Val à son tour tout
en s'approchant de son amie. En entendant le prénom de celui qu'elle aimait, elle sentit une boule lui enserrer la gorge. Une larme coula le long de son visage. Sentant la détresse de son amie, Valérie la serra fort contre elle, comme pour effacer la peine et la souffrance de Raf. Elles restèrent ainsi un long moment, Rafaela puisant la force qu'il lui fallait pour expliquer la situation à ses amis. Celle-ci se dégagea doucement de l'étreinte de Val et alla chercher un mouchoir dans son sac à main. - C'est Daniel, il
souffla Rafaela en s'asseyant sur le canapé
tout en prenant l'un des coussins contre son ventre. Val s'assit à
coté d'elle. Ils restèrent encore assis dans le salon sirotant un dernier café avant d'aller se coucher. Val finissait de se déshabiller quand Ilia vint l'embrasser dans le cou. Il adorait sa femme. Sa peau si douce dégageait une odeur sucrée. Ses cheveux longs couleur de feu retombaient sur ses épaules. Un instant, il revit leur première rencontre. Flash-back - Mesdames et messieurs je suis ravie de vous accueillir ce soir à l'inauguration de la bibliothèque de Bois-Colombes. J'aimerai avant tout remercier le cabinet d'architectes Bertin et Soleri, pour leur travail. Le résultat est remarquable et la ville est fière de pouvoir accueillir ses concitoyens dans un bâtiment aussi magnifique Des applaudissements vinrent couronner la fin du discours du maire, Arlette Boulan, avant que les invités ne se dispersent dans la salle qui avait été mise à leur disposition pour la réception. Ilia, l'architecte qui avait conçu et supervisé la construction, se mêla à la foule tout en maugréant que ce genre de soirée était la pire partie de son travail qu'il adorait. Il n'eut guère le temps de se morfondre car son collègue, et meilleur ami David Bertuis, vint le rejoindre. - Encore une réussite, mon grand ! Le félicita-t-il
en lui donnant une tape sur l'épaule. Le grand Ilia a encore frappé
! Ilia secoua la tête. Il adorait David mais par moments ne le comprenait pas. Ils s'étaient connus près de dix ans plus tôt à l'université où ils étudiaient l'architecture. Ils étaient toujours en compétition, du moins pour les études car David n'avait aucun problème avec les filles, contrairement à Ilia qui était beaucoup plus réservé. Leur amitié n'avait pas faibli après le mariage de David avec Julie qui était en passe de devenir avocate. Elle avait aussi survécu à la crise d'identité d'Ilia qui avait appris, huit ans plus tôt, qu'il n'était pas le fils légitime de Suzanne et René Dupuis mais un enfant adopté. Le jeune homme avait eu du mal à leur pardonner de lui avoir caché la vérité aussi longtemps. Il avait tout quitté du jour au lendemain pour partir à la recherche de ses racines. David l'avait aidé du mieux qu'il avait pu, lui envoyant un peu d'argent tandis qu'il recherchait ses parents en Russie. Hélas pour lui, il n'avait découvert que très peu de chose. Le nom de ses parents ainsi que leurs prénoms : Anton et Svetlana. Il était allé sur leur tombe avant de rentrer en France, le cur brisé de ne pas avoir pu en savoir plus. Il avait fait une demande afin de changer son nom de famille, expliquant à ses parents adoptifs que c'était important pour lui mais que cela ne changeait pas ses sentiments pour eux. Sa mère avait plus facilement accepté cette décision que son père. Elle lui avait montré les vêtements qu'il portait quand ils l'avaient accueilli, lui avait avoué que son prénom avait été choisi par sa mère biologique et qu'ils n'avaient pas eu le cur de le lui changer. Ilia avait beaucoup mûri après la quête de ses racines. David l'avait informé que le cabinet où il travaillait depuis quelques mois recrutait. C'était ainsi, qu'après avoir été camarades de chambre, ils étaient devenus collègues de travail. - Tu ne changeras donc jamais ? Ilia se remémora rapidement les femmes que son ami évoquait. Des créatures de rêves, sorties tout droit de magazines féminins, qu'il avait croisé lors de réceptions telles que celle-ci et ramené chez lui pour un soir, une semaine ou au mieux un mois. - Tu es certain qu'elle est parfaite ? Ilia ne put échapper à l'emprise de son ami qui se tenait derrière lui. Arrivés près des deux femmes, David le dépassa d'un pas et capta le regard de Sonia, une superbe blonde aux yeux bleus. - Cela faisait longtemps, s'exclama David en lui faisant un baisemain.
Ilia eut l'impression que le temps s'était arrêté tandis que la jeune femme déposait son verre vide sur le buffet avant de se tourner vers eux. Son visage apparut et il sentit une bouffée de chaleur envahir tout son être. Deux yeux émeraudes se posèrent sur lui tandis que des lèvres parfaites ébauchaient un sourire timide. - Enchanté de faire votre connaissance, bredouilla Ilia à
la suite de David. Valérie et Ilia les regardèrent évoluer sur la piste un long moment, en silence. Un vieux monsieur vint saluer la jeune femme. Elle expliqua rapidement qu'il s'agissait d'un ami de ses parents avant de baisser les yeux, incapable de soutenir le regard céruléen de l'homme qui était près d'elle. - Est-ce que
vous voulez danser ? Proposa Ilia après
un long silence. Il lui tendit la main et la guida au milieu des autres couples. Les premières notes d'une valse retentirent. Ilia posa l'une de ses mains sur le dos nu de sa compagne, déclenchant des frissons chez cette dernière qui tenta de les cacher. Ils évoluèrent en silence, les yeux dans les yeux. Chacun avait la sensation d'avoir trouvé ce qu'il cherchait depuis des années. Ils ne s'aperçurent pas que la musique avait cessé et que les autres couples évoluaient maintenant sur un tango argentin. David, qui avait suivit toute la scène depuis qu'il les avait quittés avec Sonia, donna un discret coup de coude à son ami en passant près d'eux. - Je crois que nous ne sommes plus dans le rythme, murmura Ilia légèrement
troublé par la proximité de la jeune femme. Elle eut un sourire étonné mais ne protesta plus tandis qu'ils longeaient des rayons encore vides de livres jusqu'à un ascenseur. David les suivit du regard quand ils montèrent dans la cabine et se félicita intérieurement. Si son ami avait décidé de lui montrer son endroit préféré de la bibliothèque, c'était bon signe, songea-t-il en entraînant Sonia près du bar. Ilia appuya sur le dernier bouton et attendit que les portes se referment. Il prit conscience qu'il tenait toujours la main de Valérie dans la sienne et qu'elle ne semblait pas s'en plaindre. Arrivés au dernier étage, il la conduisit jusqu'à un escalier, à droite de l'ascenseur, et lui fit gravir les quelques marches qui menaient sur le toit. - C'est magnifique, souffla Valérie en découvrant la
vue qu'ils avaient sur Bois-Colombes et La défense. Avec lenteur, elle se tourna et plongea dans ses yeux bleus. Elle sentit son souffle sur ses lèvres avant qu'il ne capture sa bouche pour lui donner un baiser passionné. Valérie perdit complètement pied, elle dut se raccrocher à lui pour ne pas tomber et poussa un gémissement de plaisir quand il dépose un chapelet de baisers dans son cou offert. - Oh mon dieu, souffla-t-elle d'une voix rauque quand il posa son
front sur le sien. Ilia la serra un peu plus contre lui, son corps puissant s'ajustant parfaitement à celui de la jeune femme. Ils semblaient être les deux parties d'un tout, être deux mais ne faire qu'un et partager une telle osmose que Valérie recula de quelques pas quand ils cessèrent de s'embrasser. - Je suis navré si
Elle hocha la tête pour lui dire qu'elle était d'accord et repéra un muret à quelques pas d'eux. Malheureusement pour elle, la coupe étroite de sa robe de soirée ne lui permettait pas de s'y asseoir sans aide. Ilia la prit machinalement dans ses bras et la souleva comme si elle n'était pas plus lourde qu'un fétu de paille. Il vint s'asseoir près d'elle et ils se plongèrent dans un profond silence tout en observant les lumières de la ville. Au bout d'un long moment, mus par une impulsion qu'ils ne contrôlaient pas, ils se retrouvèrent à nouveau dans les bras l'un de l'autre. Ils se racontèrent leur vie, leur passé, leur famille. Chacun se confiant plus qu'il ne l'aurait fait en temps normal. Ilia ôta sa veste pour la poser sur les épaules de sa compagne quand il la sentit frissonner dans la fraîcheur de la nuit. Ils assistèrent en silence au lever du soleil, contemplant le spectacle de l'astre céleste qui inondait la ville de ses rayons. - J'aimerai que cette nuit ne se finisse jamais, murmura Ilia à
l'oreille de la jeune femme. La grande horloge de la mairie fit résonner sept coups tandis qu'Ilia contemplait le bijou finement ciselé. Valérie vérifia l'heure sur sa montre et se laissa glisser au sol. - Il faut vraiment que je file. J'ai rendez-vous avec mon boss à
8h30 et il a horreur du retard. Il la rejoignit et l'enlaça tendrement. Il avait du mal à croire que seulement quelques heures s'étaient passées depuis leur rencontre. Il avait la sensation de la connaître depuis des années, de l'avoir espérée si longtemps qu'il n'avait plus aucune envie de la laisser partir, même s'il savait que cela n'était que pour quelques heures. Ils se séparèrent haletants, souriants et heureux de cette nuit blanche passée ensemble. Fin Flash-back - Un penny pour tes pensées, murmura-t-elle en se blottissant
contre lui. Elle se sentit fondre, son mari savait comment éveiller le feu en elle. Avec douceur, il termina de la déshabiller et l'étendit sur le lit, la rejoignant après avoir quitté ses vêtements. Avec une passion renouvelée, il la fit sienne doucement, faisant monter la jouissance jusqu'à son paroxysme où enfin leurs âmes se réunirent pour n'en faire plus qu'une. Haletants, ils retombèrent sur l'oreiller. Ilia fixait sa femme, tout en caressant sa chevelure rousse. Il voyait bien que malgré leur bonheur intime, elle restait préoccupée. - Qu'y a-t-il mon ange ? Demanda-t-il dans un souffle. Elle réfléchit un instant. Il était vrai qu'un week-end prolongé ne ferait aucun mal à son amie. Bien sûr elle serait furieuse, mais si elle réussissait son coup, elles pourraient passer une fin de semaine ensemble et elles pourraient essayer de rattraper un peu du temps perdu. Ilia ne lui avait pas encore tout dit, de cela elle en était convaincue. - Ça marche. J'appellerai le magasin demain matin. J'espère
réussir à la convaincre de passer le week-end à la
maison si cela ne te dérange pas. Il l'embrassa avec passion, remontant les draps sur leurs corps affamés de caresses. Il serait bien temps de parler plus tard. Pour le moment, tout ce qui comptait c'était sa merveilleuse femme et le bonheur simple de la serrer dans ses bras. *** Une bonne odeur de café et de pain grillé se dégageait de la cuisine. Ilia et Valérie prenaient leurs petits déjeuners tout en discutant du programme de la journée. - On devrait peut-être rester tout simplement à la maison,
disait Valérie en jetant un coup d'il à la pendule
accrochée au-dessus de la porte. Ils entendirent des petits pas venant du couloir. Une petite frimousse encore embrumée par le sommeil fit son apparition au seuil de la porte. Cassandra avait tout juste quatre ans. Ses cheveux roux coupés en carré et sa petite bouille ronde en faisait une adorable fillette. Mais au grand dam de ses parents qui, par moments, avaient du mal à la suivre, elle était pourvue d'une énergie inépuisable. - Bonjour ma petite puce, fit Val en prenant sa fille dans ses bras. Elle se blottit contre sa maman. Ilia s'affaira, il prépara un biberon avec un peu de cacao et du lait chaud. Puis s'adossant contre l'évier, il contempla pendant un moment ce charmant petit tableau. La petite fille embrassa son père et alla s'asseoir sur les genoux de sa mère pour boire son cher biberon. - Qu'est-ce que tu dirais si on s'habillait et si on allait au magasin
tous les deux, proposa Ilia avec un sourire enjôleur à sa
fille. Une demi-heure plus tard, ils partaient laissant Valérie seule dans l'appartement avec Raf endormie. Elle regarda sa montre, il était presque 9h30. Elle alla dans la pièce qu'ils avaient aménagés en bureau, pour se connecter à Internet et consulter ses mails et faire quelques recherches en attendant que son amie se lève. Vers 10h, elle entendit la porte de la chambre voisine s'ouvrir, Raf venait enfin d'émerger. - Salut ma puce, fit-elle en s'appuyant sur le montant de la porte. Rafaela ne répondit pas se contentant de grommeler quelque chose d'inintelligible. Elle se précipita dans la salle de bain pour faire une toilette rapide, elle était très en retard. Tout cela était de la faute de Val qui ne l'avait pas réveillée et qui avait coupé la sonnerie de son portable qui lui servait de réveil. Elle ressortit quelques minutes plus tard en marmonnant toujours des choses incompréhensibles. - J'ai dit bonjour, répéta Val en entrant dans la chambre
qu'occupait son amie. Raf savait qu'elle exagérait quelque peu mais elle était furieuse. Elle détestait qu'on la manipule ainsi. Elle avait passé la moitié de sa vie sous la coupe de sa mère qui, même si elle l'adorait, l'étouffait et maintenant Val se permettait de décider pour elle si elle était capable d'aller travailler ou pas. - Je t'en prie Raf, calmes-toi et écoutes-moi. La jeune femme ne répondit pas, elle était surprise par la colère de son amie. Raf savait que Val n'avait pas tort, elle s'était laissée aller d'une manière alarmante depuis deux mois, elle en était consciente. Même Daniel avait remarqué le changement. Il avait essayé de lui en parler mais sans succès, elle avait fait la sourde oreille. C'était la seule solution qu'elle avait trouvée pour ne plus penser Ne plus penser aux doutes qui l'assaillaient continuellement, aux mots blessants prononcés par Ilia, à Daniel qu'elle imaginait constamment mort d'une overdose dès qu'elle était loin de lui et à ce maudit recommandé qu'elle avait reçu quinze jours auparavant. Raf commença à trembler incontrôlablement, elle s'appuya contre le mur. Elle sentait le peu de contrôle qui lui restait se briser net. Elle glissa le long du mur et ramena ses genoux contre sa poitrine. Tête baissée, elle laissa enfin sortir toute cette souffrance contenue. - Pourquoi ? Sanglotait-elle. Pourquoi ça ne marche jamais ? Pourquoi il faut toujours que je tombe sur des gens qui me font du mal ? Je suis si mauvaise que ça ? Est-ce que je ne mérite pas un peu de bonheur ? J'en ai assez d'avoir mal ! Son corps était agité de soubresauts tant elle pleurait avec force. Valérie ne sut quoi faire l'espace d'un instant. Puis s'asseyant à coté de son amie, elle la prit dans ses bras et attendit que la crise passe. Elle savait que c'était le meilleur remède pour que la jeune femme retrouve un semblant d'équilibre. Après ce qui parut une éternité, les sanglots se tarirent et Raf releva la tête du chemisier trempé de sa meilleure amie. - Je suis désolée, fit Raf en reniflant. Valérie soupira, la crise était passée. Pourtant il y avait quelque chose qui n'allait pas mais elle ne réussissait pas à savoir ce que cela pouvait bien être. *** Daniel se réveilla l'esprit embrumé par l'alcool. Il se leva en titubant. En entrant dans la salle de bain, son reflet le contempla dans le miroir. Il avait l'impression que c'était une personne différente qui le regardait, un double maléfique avec tous ses défauts et ses travers. Il poussa un long soupir. Combien de temps pourrait-il encore supporter cette situation ? Et puis il y avait Raf. La jeune femme l'inquiétait. Depuis deux mois environ, elle était distante, travaillait toute la journée parfois même les WE. Il avait tenté de la faire parler mais en vain. La seule chose qu'elle faisait quand il l'interrogeait, c'était de se blottir contre lui en lui demandant de la serrer fort, désir auquel il accédait volontiers. Peut-être devrait-il en parler avec sa meilleure amie ? Il savait qu'elle ne l'aimait pas beaucoup mais Daniel était certain qu'elle lui viendrait en aide s'il s'agissait de Raf. Les deux jeunes femmes avaient une relation par moments presque fusionnelle. C'était comme des surs perdues qui, maintenant qu'elles s'étaient retrouvées, ne voulaient plus se quitter. Il avait peur de cette relation, il connaissait l'influence que Val avait sur la jeune femme. Si jamais celle-ci découvrait la vérité nul doute qu'elle pousserait Rafaela à le quitter. Après avoir pris une douche pour se rendre un peu plus présentable, il monta voir la jeune femme. Il trouva porte close, de toute évidence celle-ci n'était pas rentrée de sa soirée. Elle a dû passer la nuit chez Valérie, se dit-il tout en sentant la jalousie l'envahir. Il prit le téléphone et appela le portable de Raf en espérant pouvoir parler avec elle. Malheureusement ce fut Val qui répondit et qui lui annonça d'une voix glaciale que la jeune femme passerait tout le week-end en leur compagnie parce qu'elle avait besoin de calme et de repos. Le message était clair, il n'était pas le bienvenu. Il soupira et s'assit sur le vieux fauteuil. La " douleur " qui l'avait laissée un peu tranquille tant que Raf était auprès de lui revenait avec force. Il lui fallut toute sa volonté et une bouteille de whisky pour ne pas céder à la tentation de la poudre d'ange. *** De leur coté, les filles avaient enfin réussi à sortir. Valérie avait pris la direction des opérations : un petit détour par leurs boutiques préférées de gadgets en tout genre, les Grands Magasins du boulevard Haussmann, puis les Champs Elysées pour un déjeuner bien mérité. Quelques boutiques de vêtements et de chaussures étaient aussi au programme avant de passer aux choses sérieuses : les DVD et les C.D. dont elles étaient très friandes toutes les deux. Valérie était contente de ne pas être obligée, pour une fois, de regarder à la dépense. Son travail marchait bien. Elle n'avait jamais eu autant de clients réclamant ses compétences de décoratrice d'intérieur et n'ignorait pas qu'elle le devait aux premiers clients d'Ilia qui lui avaient fait confiance et qui avaient parlé d'elle à leurs connaissances. Elle avait décidé de se laisser aller d'autant plus qu'elle avait la bénédiction de son cher mari. Toutefois ce bonheur était assombri par la volonté que mettait Raf à ne rien dépenser. Elle n'avait rien pris dans aucune des boutiques qu'elles avaient visitées, même si elle en mourait d'envie. Elle examinait avec attention ce qui lui ferait plaisir puis, avec un air désolé, le remettait sagement à sa place. Valérie n'y comprenait rien, la jeune femme n'était pourtant pas dans le besoin. Elle ne roulait pas sur l'or, certes, mais elle gagnait assez bien sa vie pour, de temps à autre, se permettre de petits extra. A la fin de la journée, les deux femmes rentrèrent enfin, épuisées et contentes. Val posa sur le lit la montagne de sacs contenant les petits trésors qu'elle avait déniché durant la journée. Raf s'était contentée de regarder sa meilleure amie faire des folies, elle avait toutefois acheté un DVD de manière à ce que Valérie ne soupçonne rien. Elle avait remarqué les regards qu'elle lui jetait chaque fois qu'elle reposait l'article envié. Val l'avait discrètement interrogée pendant le déjeuner. Rafaela avait expliqué qu'elle avait oublié sa carte bleue et son chéquier à la maison et qu'elle devait se contenter du peu d'argent liquide qu'elle avait sur elle. Elle avait soupiré de soulagement quand Valérie n'avait pas insisté. Celle-ci embrassa avec passion Ilia qui sortit de la cuisine, affublé d'un tablier sur lequel on pouvait lire " Silence, le génie travaille ". Raf s'éclipsa discrètement dans la chambre, laissant sa meilleure amie discuter avec son cher et tendre. Soudainement elle se sentit seule au monde, un vide immense envahit sa poitrine et un poids énorme la lui enserra. Quelques larmes perlèrent au coin de ses yeux, larmes qu'elle s'empressa d'essuyer quand elle entendit la porte s'ouvrir derrière elle. - Tout va bien ma puce ? Demanda Val en entrant dans la pièce. Le dîner fut un vrai délice. Ilia avait mis les petits plats dans les grands. Il avait de vrais talents de cuisinier quand il prenait la peine de se mettre aux fourneaux. Apres avoir mangé le dessert, un énorme gâteau au chocolat avec de la crème chantilly, Val disparut dans la chambre et revint avec deux sacs. - Comme vous avez tous été très sages, je vous ai ramené quelques petites choses de notre aventure d'aujourd'hui. Elle posa un sac devant Cassandra qui trépignait d'impatience et l'autre devant Raf qui la regarda avec étonnement. - Et moi ? Demanda Ilia en regarda sa femme s'asseoir de nouveau et manger
un morceau de gâteau. Je n'ai pas été sage, moi ?
Ilia avala sa salive et sentit une envie irrésistible de prendre sa femme et de s'enfermer avec elle dans la chambre pour le découvrir. Il voulait la couvrir de baisers, la caresser et l'emmener vers l'extase jusqu'à ce qu'elle demande grâce. Il fut tiré de sa rêverie par les cris de Cassy qui avait enfin réussi à déballer son paquet. - Babie ! La petite fille regardait avec ravissement, une poupée Barbie habillée en princesse, un livre d'images et une cassette vidéo avec cette même poupée sur la jaquette. - Oh montres moi ca ! S'exclama Ilia en souriant. Elle est très belle. Tu en as de la chance ! Faut dire merci à maman. Cassandra courut faire un bisou à Val et sa tata. - Peux regarder ? Demanda-t-elle en montrant la cassette. Cassy embrassa les deux femmes et courut dans sa chambre. Elle voulait se mettre en pyjama très vite, elle savait le faire seule depuis peu et en tirait une grande fierté. Elle avait hâte que son papa lui lise son histoire. - Tu ferais mieux d'aller surveiller les opérations. La dernière
fois, elle a mis le haut à l'envers, dit Val en embrassant tendrement
son mari. Raf était tellement absorbée par ce petit tableau de famille qu'elle sursauta quand son amie lui posa la main sur l'épaule. - Eh bien tu ne regardes pas ce qu'il y a à l'intérieur
du paquet ? Raf ne répondit pas, les paroles de Val lui étaient allées en plein cur. Une boule se forma dans sa gorge et elle lutta de toutes ses forces pour ne pas laisser tomber les larmes qui mouillaient ses yeux, larmes qui finirent par tomber quand elle vit le contenu du sac. Il y avait là, le tailleur bleu pastel qu'elle avait essayé pour faire plaisir à Valérie mais qu'elle avait remis, bien à regret, à sa place avec une blouse d'un rose très pâle. Une petite broche en forme de nounours ainsi qu'un foulard bleu et rose venaient compléter le tout. Elle ouvrit le deuxième paquet et y trouva les deux coffrets de DVD qu'elle avait envie de s'offrir depuis des mois et qu'elle avait, la mort dans l'âme, laissé encore une fois sur les étagères du magasin.
Raf rougit légèrement. Elle devait admettre que Daniel lui manquait, surtout en voyant à quel point son amie était heureuse en ménage. Val, de son coté, se méfiait de celui-ci mais devait admettre qu'il n'avait rien fait, du moins intentionnellement, pour faire du mal à son amie. Elle savait que Rafaela en était très amoureuse et qu'il serait difficile de les séparer sans mettre en danger leur amitié, ce qu'elle ne voulait à aucun prix. Le lendemain après-midi, Ilia déposa Raf chez elle. La jeune femme était silencieuse et renfermée sur elle-même. Même si son attitude avait changé quand elle était en sa compagnie et celle de Val, dès qu'ils se retrouvaient seuls celle-ci s'enfermait dans un mutisme qui avait l'art de l'exaspérer. Elle le salua du bout des lèvres et entra dans l'immeuble sans un regard en arrière. Elle se sentait exténuée. D'un pas lourd, elle traversa la cour intérieure. Alors qu'elle arrivait au palier du premier étage, la porte s'ouvrit. Daniel la regarda avec tendresse et passion. Elle se sentit fondre. Il ouvrit ses bras et elle se précipita à sa rencontre. Comme il lui avait manqué ! Ils s'embrassèrent avec passion, plus rien ne semblait avoir d'importance. Tout était, à cet instant précis, en parfaite harmonie. Il n'y avait plus ni tristesse, ni doutes, ni rancurs, ni regrets, il n'y avait que la joie et la plénitude d'être enfin dans les bras l'un de l'autre. - Tu m'as manqué, murmura-t-il à son oreille en l'entraînant dans son appartement. Ils s'embrassèrent de plus belle, leurs mains couraient sur le corps de l'un et de l'autre. - Je ne suis pas sûr de grand chose en ce bas monde, dit-il d'une voix rauque, mais je suis certain d'une chose, c'est que je t'aime. J'aime ce que tu es, ton visage, ton corps, ton cur et surtout ton âme. Je te veux auprès de moi pour toujours. Il ne la laissa pas répondre, assaillant de nouveau ses lèvres pour un autre baiser passionné. Le cur battant, elle se laissa aller à ce désir qu'elle avait réprimé depuis le début de leur relation. Elle avait envie de lui mais elle ne s'était pas sentie prête à se livrer tout de suite. Le moment était venu d'abandonner toutes ses peurs, et ses doutes, pour ne faire plus qu'un avec la personne aimée. Daniel la regarda et elle sut qu'il pouvait lire en elle comme dans un livre ouvert. Il sourit et, tendrement, la guida vers le lit. Vêtement par vêtement, il dévoila le corps de la jeune femme à sa vue. Il était attentif à chaque frisson, chaque tremblement, provoqué par une simple caresse ou par une guirlande baisers qu'il posait çà et là sur son corps hurlant de désir. Raf se sentait brûler à l'intérieur. Un feu sacré et ancestral avait pris possession d'elle et demandait à être éteint. Les mains tremblantes, elle déboutonna timidement la chemise de Daniel, laissant apparaître son torse musculeux. Elle déposa une traînée de baisers dans le creux de son cou et remonta vers son oreille. Elle s'arrêta, haletante, quand celui-ci s'attaqua à la fermeture de son soutien gorge qu'il dégrafa avec agilité. Daniel embrassa les deux petites pointes fièrement dressées par le désir puis s'agenouilla pour explorer le bas de son ventre. D'un doigt tremblant, il joua un instant avec l'élastique de la dernière barrière qui le séparait de son but ultime : sa toison d'or. Quand enfin celle-ci tomba, il ne put retenir un gémissement rauque de victoire. Il remonta doucement, couvrant le corps de Raf de baisers ardents, puis, arrivé à hauteur de son visage, leurs yeux se croisèrent, leurs regards se fondirent en une seule flamme. Il la fit doucement basculer sur le lit. Après avoir quitté les vêtements qui le couvrait encore, il s'allongea près d'elle, ne cessant d'admirer ce corps qui, même s'il était loin d'incarner la perfection, était la chose la plus merveilleuse qu'il ait jamais vu. - Je t'aime, lui murmura-t-il au creux de l'oreille. Il reprit possession de ses lèvres et attisa le feu intérieur qui les dévoraient en caressant chaque parcelle de peau de sa compagne. Raf n'était pas en reste, ses mains exploraient sans cesse ce corps désiré depuis des mois. Ses doigts dessinaient des arabesques sur son torse qui s'élargissaient pour enfin atteindre le but ultime. Quand elle se saisit timidement de son membre fièrement dressé, il laissa échapper un grognement rauque. Enhardie par sa réaction, elle le caressa doucement, faisant monter leur excitation encore d'un cran. Il l'embrassa fougueusement tout en jouant avec les seins opulents de la jeune femme puis il insinua un doigt dans le triangle d'or de celle-ci. Caressant, encore et encore, son petit bouton rose, il la faisait gémir de plaisir, ses plaintes était une douce musique à ses oreilles qu'il ne se lassait pas d'entendre. Quand leurs yeux se retrouvèrent, l'invitation était là, l'invitation à se fondre en une seule entité pour que, pendant un court instant, leurs âmes se retrouvent entières comme cela avait été le cas au début de l'humanité. Emu du cadeau qu'elle lui faisait, il s'agenouilla entre ses jambes pour la regarder une fois encore. Après leur union, plus rien ne serait jamais pareil. Elle serait à jamais gravée au fer rouge dans son cur. Raf tendit ses mains vers lui en souriant. Malgré l'excitation, la passion, il pouvait voir dans ses yeux un tel amour que sa gorge se noua. Comme au ralenti, il se pencha vers elle et la fit sienne avec une telle lenteur qu'elle crut ne pas avoir la patience d'attendre pour le sentir entièrement en elle. Il entamèrent une danse sensuelle pendant laquelle leurs corps et leurs âmes se fondirent en une seule entité. Plus rien n'existait à l'extérieur, à part eux. Il atteignirent la jouissance ensemble, murmurant les noms l'un de l'autre et quand il voulut quitter son intimité, elle noua ses jambes autour de lui pour l'en empêcher. Elle voulait que leur union dure encore et encore. Puis, à force de caresses et de baisers, elle le sentit reprendre vie en elle et de nouveau la danse de la vie reprit, pour ne se finir que très tard dans la nuit. *** 31 décembre . Encore un réveillon, encore une occasion de se réunir avec les êtres aimés. Seulement Raf était loin de partager cet enthousiasme. Après sa nuit passionnée avec Daniel, elle avait senti une peur panique s'emparer d'elle. Elle se rendait compte qu'elle ne savait pas vivre à deux. La solitude était sa compagne depuis si longtemps. Seule, elle savait comment faire, elle ne devait pas rendre de comptes, il n'y avait personne d'autre en cause qu'elle-même. Avec Daniel, elle s'aventurait en terrain inconnu et cela lui faisait une peur bleue. Elle ne savait pas si elle était capable de le rendre heureux, de faire suffisamment de concessions pour que cette relation dépasse le stade d'une simple aventure. Alors Rafaela avait fait ce qu'elle savait le mieux faire, elle avait pris la fuite. Elle avait évité Daniel et Val pendant toute la semaine en prétextant un surcroît de travail. Elle avait utilisé le même stratagème que pour la veille de Noël pour être tranquille et ne pas répondre aux questions qui allaient immanquablement être posées. Raf rentra d'une journée épuisante, passée à mettre des petits fours en boîte, se doucha, mangea un morceau et se mit au lit devant la télévision. Daniel se sentait frustré. Il pensait qu'après la nuit qu'ils avaient passés ensemble, ils avaient scellé un pacte qui les liait pour toujours. Pourtant il avait vu la jeune femme rentrer dans sa coquille à son grand désarroi, le fuyant comme s'il était le diable en. Il soupira. Que pouvait-il bien se passer dans la tête de Raf ? Il remit son manteau, après avoir pris ses papiers, son solde de tout compte et les quelques effets personnels qu'il gardait dans un casier qui ne fermait plus, pour rentrer chez lui. Le bouge dans lequel il travaillait venait d'être fermé pour des raisons de sécurité. Il se retrouvait sans travail à la veille de cette nouvelle année. Loin de prendre cela comme un drame, il se disait que les Dieux venaient de lui offrir l'occasion de recommencer sa vie et de se trouver un emploi respectable. Il ne savait pas encore quoi mais il trouverait. Pour la première fois depuis son arrivée en France, il voulait avoir une vie comme tous les autres, il voulait fonder une famille, aimer et être aimé, il voulait que Raf soit fier de lui. Daniel savait qu'il avait bon nombre de problèmes à régler avant d'arriver à son but mais, avec son aide, il se sentait capable de soulever des montagnes. Il savait aussi qu'elle était paniquée. On ne restait pas seule pendant des années sans avoir de séquelles. Il le savait, il l'avait vécu jusqu'au moment où il avait fait la connaissance de Largo . Tiens, il pouvait à présent penser à lui et même prononcer son nom sans que cela ne lui fasse mal. Il sourit. Daniel prit son téléphone et tenta d'appeler la jeune femme, il tomba sur sa boîte vocale. Connaissant la phobie qu'avait Raf du téléphone, il se dit qu'elle l'avait sûrement débranché pour être tranquille. Il fouilla dans son portefeuille et en sortit un petit bout de papier. C'était le numéro de Valérie que Rafaela lui avait donné pour les cas d'urgences. Lui déclarer sa flamme était pour lui, à ce moment-là, une question de vie ou de mort. Avec un peu de chance, il pourrait les rejoindre pour le dessert et lui donner la petite boite qu'il avait caché dans sa poche droite depuis la veille. - Allô, fit une voix masculine. Daniel entendit une discussion dont il ne comprenait pas la teneur, puis une voix féminine reprit la conversation. - Daniel ? C'est Valérie
Je suis désolé mais
Raf n'est pas là. Elle m'a dit que vous deviez dîner ensemble
ce soir. Je lui ai même proposé de vous inviter aussi mais
elle m'a dit qu'elle voulait être seule avec vous. Val raccrocha stupéfiée. Raf avait osé lui mentir ! Elle expliqua brièvement la situation à Ilia, prit son manteau et fila rejoindre Daniel à la gare. Elle ne comprenait pas pourquoi Rafaela avait fait cela. Elle pensait qu'elles étaient amies et que si quelque chose n'allait pas, celle-ci n'hésiterait pas à se confier à elle. Elle aperçut Daniel qui l'attendait. Son visage était fermé, il faisait les cent pas sur le trottoir avec nervosité. Elle se gara près de lui et lui fit signe de monter. - Bonsoir, dit-il en grimpant dans le siège du passager. Val le regarda un instant avant de se garer en double file devant l'immeuble où habitait son amie. Ensemble, ils traversèrent la cour intérieure et, aussi silencieusement que possible, montèrent jusqu'au second. Val sonna, attendit un instant mais Raf ne répondit pas. Elle sonna de nouveau et n'obtenant aucune réponse elle sortit son jeu de clé. Au moment où elle allait s'en servir la porte s'ouvrit sur une Raf en pyjama, le visage creusé par la fatigue. - Qu'est-ce que vous faites là ? Murmura-t-elle. Valérie fulminait, il était hors de question que Raf s'en tire à si bon compte. Bon sang, depuis deux mois elle ne se confiait plus à elle, elle faisait comme si tout allait bien alors qu'elle savait très bien que c'était loin d'être le cas. Son regard se posa sur l'appartement où régnait un joyeux désordre. La vaisselle n'avait pas été faite depuis un ou deux jours, une fine pellicule de poussière couvrait les meubles. Du linge suspendu était sec depuis longtemps et n'attendait que d'être rangé. Tout cela tendait à prouver qu'elle avait raison, quelque chose n'allait vraiment pas. Bien sûr, Raf était bordélique mais pas à ce point. Son regard se posa ensuite sur une lettre recommandée posée sur la table basse, émanant de la banque de la jeune femme. Cela ne pouvait signifier qu'une seule chose - Tu peux me dire pourquoi il y a inscrit ici que tu ne peux plus émettre
de cheques ? Demanda-t-elle en prenant la lettre. La jeune femme avait pâli. Il la prit dans ses bras et remarqua qu'elle tremblait. Avec douceur, il lui caressa les cheveux tandis que Raf laissait couler ses larmes. Elle avait gardé tout cela pour elle depuis plus d'un mois, n'osant pas en discuter de peur d'être prise pour une irresponsable. Val se sentit coupable, elle n'avait pas voulu la faire pleurer. - Je suis désolée ma puce, je ne voulais pas te faire de
la peine, s'excusa-t-elle à voix basse. Son regard passa de l'un à l'autre. Daniel souriait, signe qu'il ne lui en voulait pas de l'avoir fui toute cette semaine. - D'accord, acquiesça-t-elle en reniflant. Trouves-moi quelque
chose à me mettre pendant que je fais une petite toilette, je dois
ressembler à une sorcière. Daniel soupira de soulagement en passant une main dans ses cheveux. Ils avaient frôlé la catastrophe. Valérie trouva un ensemble en laine de couleur verte qui faisait " habillé ". Elle frappa à la porte de la salle de bain pour le lui donner. - Vous étiez au courant de ses problèmes d'argent ? S'enquit
Val doucement. Val n'eut pas le temps de répondre, mais elle savait dans son fort intérieur qu'il ne lui avait pas menti. Elle avait senti la flamme de son amour dans sa très courte déclaration. - Alors vous parlez de moi ? Demanda Raf en sortant de la salle de bain. Raf éclata de rire en voyant l'air outragé que prit son amie. Elle prit son manteau, son sac et ils partirent tous trois rejoindre les invités qui les attendaient toujours. Quand enfin ils arrivèrent à destination, ils furent reçus en triomphateurs. Ils avaient vaincu toutes difficultés pour venir passer cette soirée ensemble. Daniel prit une coupe de champagne que lui offrit gentiment la mère de Valérie tandis que Rafaela se rabattait sur le Coca. Daniel pâlit et faillit lâcher son verre quand le mari de Val entra dans la pièce, portant un plateau emplit de victuailles. Cet homme, il ressemblait comme deux gouttes d'eau à Non, ça ne pouvait pas être lui Lui ne se serait jamais affublé d'un tablier portant " Je suis le maître dans la cuisine ". Comment diable était-ce possible ? - Tout va bien ? Demanda Raf qui s'était aperçu de son
trouble. La suite de la soirée se passa dans l'allégresse et, malgré sa fatigue, Raf se sentit pour la première fois depuis longtemps à sa place. Elle goûta avec joie à toutes les bonnes choses, y compris le fameux fondant au chocolat. Daniel était heureux même si, par moments, il se sentait mal à l'aise sous l'il inquisiteur du mari de Valérie. Il se retrouva nez à nez avec lui en sortant des toilettes. - On peut parler ? S'enquit-il d'un ton grave qui donna des frissons à Daniel, lui rappelant une voix qu'il n'avait plus entendu depuis plus de un an. Ilia le conduisit jusqu'à la cuisine et ferma la porte. - Je n'ai pas pour habitude de tourner autour du pot. Je sais que Raf
vous aime, la question est : est-ce que vous l'aimez, vous aussi ? Et
jusqu'où êtes-vous prêt à aller pour elle ? Daniel pâlit sous l'effet de la surprise. Il avait l'impression d'entendre et de voir Il avala sa salive et se passa nerveusement la main dans les cheveux. - Comment savez-vous ? Murmura-t-il, honteux. Daniel s'appuya contre le mur. Il sentait ses jambes le trahir. Elle savait Elle savait tout et pourtant elle était restée, jour après jour, malgré les doutes et les angoisses qui l'assaillaient. - Pourquoi ne m'a-t-elle rien dit ? Murmura-t-il. Ils allèrent retrouver le reste des invités ainsi que Val et Raf qui commençaient à s'inquiéter de la longue absence de leurs hommes. - Vous comptiez faire bande à part toute la soirée ? On
commençait à se sentir bien seules. Nous avons failli draguer
tous les hommes de la soirée pour nous consoler. Aux douze coups de minuit, Raf et Daniel s'embrassèrent avec passion et furent concurrencés par Ilia et Val qui n'en mettaient pas moins de cur à l'ouvrage. La soirée se termina dans la bonne humeur tard dans la nuit. L'aube de la nouvelle année trouva Rafaela et Daniel endormis dans les bras l'un de l'autre, leurs corps repus et apaisés de caresses et de passion. *** Janvier s'était écoulé sans que Daniel ne prenne une décision quelconque sur son avenir, ni que Raf ne parle de son problème d'argent à qui que se soit, ce qui l'aurait pourtant soulagée. Elle se sentait honteuse de sa mésaventure. Pour le moment, Daniel savourait les petites choses du quotidien : faire les courses, le ménage, ou tout simplement préparer le dîner. Le moment qu'il préférait dans la journée était celui où il allait chercher la jeune femme à son travail. Tous les soirs, il l'attendait dans la galerie marchande, une fleur à la main. - Bonjour toi, dit-elle en lui déposant un léger baiser
sur les lèvres. Elle se dirigea vers l'accueil du magasin puis prit une porte latérale. Daniel la suivit du regard jusqu'à ce qu'elle disparaisse de sa vue. Trois autres hommes prirent la même direction et Daniel sentit son sixième sens se mettre en alerte. Depuis son plus jeune âge, il pouvait sentir les ennuis de loin et là, il était évident que quelque chose se tramait. La jeune femme à l'accueil était devenue pâle tandis qu'elle parlait avec un homme grand, tout de noir vêtu. Daniel s'approcha doucement. Il vit le canon d'une arme dépasser du manteau que l'inconnu tenait sur son avant-bras. Daniel alerta discrètement un vigile et passa la porte empruntée par Raf quelques minutes plus tôt. De son coté, la jeune femme ne se doutait pas du drame qui était entrain de se jouer quelques mètres plus loin. Elle était en train de penser à la soirée qui s'annonçait fort plaisante. Elle tourna à gauche, puis à droite. Soudain les lumières s'éteignirent. Le cur battant, Raf chercha un interrupteur, n'en trouvant pas, elle continua de longer le couloir. Le coffre n'était plus très loin. Elle entendit des pas derrière elle et se plaqua contre le mur. - Qui est là ? Demanda-t-elle la voix tremblante. Elle hurla et tenta de s'échapper mais déjà deux mains l'agrippaient, l'empêchant de prendre la fuite. - Tais-toi ou je mets une jolie balle dans ta petite cervelle, continua
la voix masculine en pressant le canon de son arme contre sa tempe. Maintenant,
tu vas nous conduire bien gentiment au coffre et nous y faire entrer. Raf tremblait, elle sentait le canon de l'arme contre son dos. Son estomac était noué, ses jambes flageolaient. Son cerveau ressemblait à de la marmelade, paralysé par la peur, il semblait incapable de prendre une quelconque décision. Soudain la lumière se ralluma, Raf se sentit bousculée avec une telle force qu'elle se cogna contre le mur et tomba à terre. En relevant la tête, elle vit, à sa grande frayeur, Daniel aux prises avec l'un des hommes qui l'avait attaquée, un deuxième étant déjà à terre, visiblement assommé. - Daniel ! Hurla-t-elle en le voyant prendre un coup dans l'estomac qui
lui coupa le souffle. Raf hocha la tête et se leva à contrecur. Avant qu'elle eut pu atteindre le bout du couloir, elle sentit un bras l'arrêter net dans sa course et lui encercler le cou. - Tu ne croyais tout de même pas que j'allais te laisser m'échapper
aussi facilement ? Murmura une voix à son oreille. Daniel leva la tête en entendant les hurlements de la jeune femme. Il sentit la colère le submerger. D'un coup de poing, il mit KO son adversaire et ramassa l'arme que celui-ci avait laissé tomber pendant la bagarre. - Lâchez-la, ordonna-t-il d'une voix menaçante. Raf s'accrochait désespérément au bras de son assaillant pour essayer de desserrer son étreinte. Elle était au bord de l'asphyxie, de petites tâches lumineuses dansaient devant ses yeux. - Police ! Lâchez vos armes ! Hurla une voix derrière elle. L'homme se tourna vers l'endroit d'où provenait la voix. Daniel profita de cette diversion pour sauter sur l'homme. Sous l'effet de la surprise, il lâcha Rafaela qui glissa à terre, cherchant à reprendre son souffle. L'esprit embrouillé, elle ne songea même pas à s'enfuir, elle regardait avec intensité les deux hommes se battre. L'un des coups projeta Daniel contre le mur, lui faisant lâcher son arme. Il se retrouva à la merci de son adversaire qui le visa à la tête. - NON ! Hurla Raf La police choisit ce moment pour intervenir, plaquant le criminel au sol tout en le désarmant. Daniel se précipita vers Raf et la prit dans ses bras en lui murmurant des propos rassurants. Un policier s'agenouilla près d'eux pour leur demander si tout allait bien. Deux pompiers arrivèrent et les examinèrent, donnant quelques soins sur place. Ils furent libres de rentrer chez eux après avoir fait une déclaration sommaire à la police. L'inspecteur en charge de l'affaire les avertit qu'il viendrait les interroger plus longuement le jour suivant. Alors qu'ils rejoignaient la galerie marchande, entourés par des policiers et des équipes de secours, une personne les arrêta. Il s'agissait du directeur du magasin qui, alerté par les vigiles, avait fait évacuer une partie du magasin pour ne pas mettre en danger sa clientèle tandis que la police intervenait. - Tout va bien Rafaela ? Ils eurent la surprise de voir Val entrer dans la galerie marchande alors qu'ils prenaient congé des policiers. - Rafaela ? Daniel ? Tout va bien ? Demanda-t-elle en les prenant tour
à tour dans ses bras. Je passais dans le coin et j'ai vu tout ce
remue-ménage. Je me suis inquiétée et à juste
titre à ce que je peux voir. Celle-ci hocha la tête, serrant plus fort contre elle la couverture de survie qu'un pompier lui avait mis sur les épaules. Elle ne voulait qu'une seule chose, rentrer chez elle et tenter d'oublier cette pénible affaire. Le chemin du retour se fit en silence. Arrivés à destination, Daniel eut toutes les peines du monde à dissuader Val de rester. Il promit que tous les deux viendraient les rejoindre le lendemain après le passage des policiers. Pour l'instant, il voulait juste avoir Raf pour lui. Ils montèrent doucement l'escalier jusqu'à l'appartement de Daniel. Aussitôt arrivés, il entreprit de la déshabiller pour lui passer un grand tee-shirt avant de l'allonger sur le lit, en compagnie de l'une des peluches dont elle ne séparait jamais. Le sédatif aidant, elle ne tarda pas à s'endormir. Daniel s'effondra dans le fauteuil à coté du lit. Il se passa la main dans les cheveux et jeta un coup d'il nerveux à Raf. Il commençait tout juste à réaliser ce qui s'était passé cette après-midi-là. Il aurait pu perdre la jeune femme. Ses mains commencèrent à trembler et des larmes coulèrent sur son visage. Si jamais il lui arrivait quelque chose, il en mourait, il en était certain. Il regarda avec envie le placard où il rangeait sa réserve d'alcool, un verre ne lui ferait sûrement pas de mal, au contraire. Il ne pouvait pas Raf ne le lui pardonnerait pas s'il se laissait aller alors qu'elle avait besoin de lui. *** La nuit était tombée depuis longtemps quand Rafaela se réveilla. Elle chercha des yeux Daniel qu'elle trouva assis dans le fauteuil, près du lit, contemplant une bouteille de whisky ouverte mais non entamée. Elle devinait sans peine la bataille qu'il était en train de mener. Il tendit la main vers la bouteille, geste qu'elle arrêta net quand elle prononça son prénom. - Ce n'est pas la bonne solution
, murmura-t-elle. Rafaela baissa les yeux. Comment se pouvait-il que Daniel la connaisse aussi bien ? Comment pouvait-il savoir tout ce qui la tourmentait depuis des mois ? - Tu te demandes comment je sais
. Je le sais parce que je ressens
la même chose que toi. J'ai peur quand tu es loin de moi, je suis
paniqué à l'idée de te perdre. J'ai déjà
aimé dans ma vie mais jamais à ce point. Il l'embrassa fougueusement tout en laissant couler des larmes de bonheur. Ils restèrent ainsi l'un contre l'autre un long moment, chacun puisant la force et le courage en l'autre. Puis sans qu'ils ne sachent comment leurs corps et leurs âmes se mêlèrent en une danse sensuelle. Les caresses d'abords douces se firent brûlantes et passionnées. Daniel parsema le corps de Raf de baisers, jouant avec la pointe de ses seins durcis par l'excitation, jusqu'à ce qu'il arrive à son but ultime, le triangle d'or où il souhaitait se perdre. Agenouillé entre les jambes de la jeune femme, il la pénétra d'un, puis de deux doigts, sans pour autant jamais la quitter du regard. Il la sentait frémir à chaque fois qu'il caressait son bouton de plaisir. Il se pencha pour embrasser le nombril de Raf tout en continuant de bouger en elle. Il la sentait au bord du précipice. Il accéléra la cadence de ses caresses, la poussant dans un tourbillon d'extase, de jouissance et de plaisir. Quand elle retomba sur l'oreiller, elle était à bout de souffle. Elle n'avait jamais ressenti une telle sensation de bonheur. Il l'embrassa passionnément. Il était bien décidé à faire perdre la tête à sa compagne. Il positionna son membre à l'entrée toute chaude de la jeune femme qui ferma les yeux quand elle le sentit la pénétrer. Tous ses sens étaient exacerbés par sa jouissance antérieure, et elle le sentit entrer en elle, centimètre par centimètre, jusqu'à ce qu'il fut totalement en elle. Il marqua un temps d'arrêt, avant se mettre à bouger, avec un rythme presque frénétique. Il voulait la posséder totalement, se fondre en elle. Il sentit les ongles de Raf lui griffer le dos quand ils basculèrent ensemble dans la jouissance. Daniel retomba, sans pour autant se retirer, sur sa compagne en faisant attention à ne pas lui faire du mal. Tous deux se sentaient tellement bien qu'ils s'endormirent dans cette position. *** Ils furent réveillés le lendemain par des coups donnés à la porte. Daniel se leva avec précaution, enfila sa robe chambre et alla ouvrir. l se trouva nez à nez avec une factrice qui le détailla du regard avec envie. - Bonjour, je cherche Mme Sanchez. C'est M. Alfredo qui m'a dit que je
pourrais peut-être la trouver ici. Apres avoir signé l'accusé de réception, elle ouvrit la lettre et sentit la colère monter en elle. - Les ordures
. Ils ne purent continuer la conversation car déjà la police sonnait à leur porte pour prendre leur déposition. Pendant près de deux heures, ils donnèrent avec force de détails leur version des événements, essayant d'être les plus précis possibles pour que les coupables ne puissent s'en sortir face à un juge. - Vous êtes conscients que vous allez leur être confrontés
devant le juge d'instruction et qu'il va falloir que vous témoigniez
au moment du procès ? Apres un petit déjeuner tardif, ils allèrent, comme promis, voir Valérie et Ilia qui se faisaient un sang d'encre. Val embrassa son amie quand elle passa la porte, ne la lâchant que pour la laisser entrer dans le salon où Ilia la prit dans ses bras à son tour et lui murmura des paroles de réconfort. - Tu sais que tu nous as fait peur ! Dit Val en ramenant un plateau avec
café, thé et gâteaux. J'ai cru mourir quand j'ai entendu
les infos hier soir. Je me doutais que c'était grave mais pas à
ce point
Le silence retomba. Chacun essayant de trouver un sujet de conversation anodin pour dissiper la tension dans la pièce. Raf triturait la lettre recommandée qu'elle avait glissée dans sa poche avant de partir. Elle ne savait pas comment aborder le sujet et se demandait si c'était bien le moment de parler de ses ennuis. D'un autre coté, elle avait éludé la question autant que possible mais là elle se trouvait au pied du mur et devait prendre une décision rapide. Elle aurait préféré en parler seule à seule avec Val mais il lui semblait déplacé de faire bande à part. Elle savait que Valérie serait en colère quand elle lui raconterait sa mésaventure mais elle ne la jugerais pas et la soutiendrait quelque fut la décision qu'elle prendrait. Elle n'était pas sûre que les deux hommes ne la traiteraient pas comme une enfant qui avait fait une faute et qu'ils ne la gronderaient pas comme telle. Elle n'avait pas besoin de remontrances mais d'aide. Les gens sont prompt à juger, ils auraient, eux, tout de suite décelé l'escroquerie et ne se seraient pas fait avoir, c'était du moins ce qu'avaient dit les personnes à qui elle en avait parlé sur son lieu de travail. Raf aurait bien voulu voir à sa place. Elle était tellement plongée dans ses réflexions qu'elle n'entendit pas Val lui parler. - Pardon ? Dit-elle. Je suis désolée j'étais ailleurs. Rafaela ne répondit pas, elle était effrayée par la colère d'Ilia. Jamais elle ne l'avait vu ainsi, elle se colla un peu plus contre Daniel et sentit des larmes lui monter aux yeux. Val finit de lire et regarda son amie. Ainsi c'était cela qu'elle gardait pour elle et qui était en train de la miner intérieurement. - Ilia raison, dit-elle doucement. Pourquoi tu n'as rien dit ? Raf hocha la tête. Elle se sentait soulagée de ne plus devoir cacher cela à ses amis et en même temps, elle se sentait honteuse de s'être laissée berner de la sorte. - Tu permets que je prenne les choses en mains ? Demanda Ilia. Ilia regarda Val. Elle semblait abasourdie. Daniel lui aussi semblait sous le choc de ces révélations. Raf quant à elle se laissa retomber contre le dossier du canapé. Elle avait peur de ce que Ilia pourrait faire, peur que cela ne lui amène de nouveaux ennuis. Daniel la prit dans ses bars et l'embrassa, il la sentait trembler. - Ne t'inquiètes pas, tout va bien se passer. On va trouver une
solution. Le reste de l'après-midi se passa à essayer d'élaborer une stratégie pour sortir la jeune femme de ce mauvais pas. Quand enfin ils rentrèrent, Daniel et Raf ne se quittèrent pas contrairement aux autres soirs. Elle l'invita à rester chez elle pour la nuit. Conscient qu'elle l'invitait à entrer dans son jardin secret, il lui en fut reconnaissant et prit une décision qui allait lui changer la vie. Il avait décidé que plus jamais il ne se laisserait aller, que plus jamais il n'aurait honte de lui, il appela Ilia pendant que Rafaela prenait sa douche. - C'est Daniel, j'accepte votre proposition. Il raccrocha, sachant qu'il venait là de franchir un pas important pour sa survie, pour son avenir. Quand Raf sortit de la salle de bain, il s'embrassa avec fougue en souriant, mais cette fois son sourire éclaira son visage et elle put enfin voir toute sa beauté cachée. *** Ce week-end là Raf partit voir sa mère qui revint avec
elle pour passer une semaine à Paris. Daniel était très
nerveux à l'idée de rencontrer sa future belle-mère.
Mais, malgré ses craintes, cette première rencontre se passa
assez bien. La seule chose qu'elle lui demanda ce fut de bien prendre
soin de sa fille parce que sinon
Elle avait laissé la phrase
en suspens mais Daniel avait saisi l'étendue de la " menace
". Le mardi arriva sans que Ilia eut trouvé une solution autre
que de payer. Il avait parlé à un ami policier mais selon
celui-ci, même si le tarif pratiqué était plus qu'abusif,
cela ne constituait nullement une escroquerie. Il avait demandé
conseil à son avocat qui, après quelques recherches, lui
avait affirmé que tous les papiers étaient parfaitement
légaux. Ilia enrageait. 16h00 arrivèrent. 17h00 aussi. Il n'y avait toujours aucune trace des responsables qui essayaient d'ouvrir la fameuse porte qui, d'après eux, était blindée et munie d'une serrure de sécurité. Les autres salariés faisaient comme si de rien n'était et ignoraient les deux femmes assises à la porte du bureau de la direction et qui attendaient sans sembler perdre patience. Quand 19h00 arriva et que toujours personne ne se fut présentée, Raf sortit des locaux et entreprit d'appeler Daniel et Val, loin des oreilles indiscrètes des employés, pour qu'ils ne s'inquiètent pas. - Allô ? Fit Val en décrochant dès la première
sonnerie. Une demi-heure plus tard, les deux hommes entrèrent dans les locaux miteux de la société. Le carrelage, qui un jour avait été blanc, était gris de ne pas avoir été entretenu. Les murs et les portes portaient les stigmates d'années de laisser-aller, des traces de doigts ou des murs tellement encrassés que l'on ne pouvait plus voir leur couleur d'origine. Le comptoir où officiait un standardiste, seule personne à s'être comportée avec gentillesse avec les deux femmes, était aussi sale que le reste. Ilia fit une grimace de dégoût en voyant cela. Il repéra sans difficulté Raf et sa mère toujours assises sur leurs chaises à attendre. Elles parlaient à voix basse dans leur langue maternelle, l'espagnol. - Est-ce que je peux quelque chose pour vous messieurs ? Daniel soupira. Il n'aimait pas qu'on lui donne des ordres et encore moins par un sosie de Il regarda un instant Raf, qui était à bout, et sa mère qui semblait ne pas être dans un meilleur état. Il acquiesça et partit accompagner de la vieille dame. Ilia s'assit à coté de Raf qui poussa un long soupir. Il lui prit la main tout en lui faisant un clin complice pour l'encourager à ne pas perdre patience. 20h passèrent et 21h00 aussi, Rafaela faisait les cent pas sous le regard inquiet d'Ilia. Il la sentait prête à exploser. Il la fit asseoir avec douceur, quand enfin vers 21h30, le gérant de la société arriva enfin. - Quoi qu'il arrive, laisse-moi parler, d'accord ? Murmura-t-il à
l'oreille de la jeune femme qui hocha discrètement la tête. Après s'être installés dans le bureau, tout aussi chassieux que le reste des locaux, le gérant farfouilla dans les papiers qu'il avait ramené de leurs bureaux de Versailles et trouva enfin ce qu'il cherchait. - Eh bien voilà, je sais que mon directeur commercial vous a encore
fait une remise de 600 euros cela nous met la facture à 3000€. Ils partirent et, à leur grande surprise, Val était là qui les attendait. - Alors ? Demanda-t-elle en voyant le visage pâle de son amie. Raf hocha la tête. Elle se sentait si fatiguée. Le silence retomba dans la voiture et bientôt, bercée par la musique douce qui s'élevait de la radio, elle s'endormit. Arrivé à destination, Ilia la porta jusqu'à l'appartement où sa mère et Daniel les accueillirent avec impatience. Valérie leur fit un bref résumé des événements pendant que son mari mettait la jeune femme épuisée au lit. - Mon médecin passera demain matin pour examiner Raf, annonça
Ilia à Daniel. Puisqu'elle ne veut pas se soigner, nous allons
l'y contraindre. Avec tout ce qu'il s'est passé depuis deux mois,
elle est épuisée et à bout de nerf. Elle a besoin
de repos et d'affection. Avec vous deux, je suis sûr qu'elle n'en
manquera pas. Daniel eut une moue dubitative, il embrassa tendrement la jeune femme sur le front et parti en compagnie du couple. La nuit lui parut durer une éternité. Son esprit dérivait sans cesse vers celle qui dormait juste au-dessus. Avant de partir, Ilia lui avait remis un papier avec une adresse, une date et une heure de rendez-vous. Daniel avait bien l'intention de s'y rendre pour commencer à mettre un peu d'ordre dans sa vie. ***
- Bonjour, dit celui-ci en entrant. Alors où est notre malade
? Il l'ausculta, écouta son cur, ses poumons, prit sa tension qui, comme il le craignait, était basse. - Dites-moi, est-ce que vous mangez régulièrement ? Raf soupira, elle était si fatiguée qu'elle ne se sentait même plus le courage de protester. Ce qui l'inquiétait le plus, c'était son travail. Comment allaient-ils prendre la nouvelle ? - Ecoutez mademoiselle, si cela peut vous rassurer, je vais appeler votre employeur. Aussitôt dit, aussitôt fait, le Docteur Fenêtrier les appela pour expliquer la situation. Curieusement, aucun commentaire ne fut fait, au contraire, on lui souhaita un prompt rétablissement et surtout de ne pas s'en faire. Dans l'après-midi, Ilia et Val vinrent, comme promis, pour mettre à l'abris les quelques possessions de valeur de la jeune femme dans l'appartement de Daniel. Ensuite Ilia accompagna Raf à la banque pour qu'elle puisse y régler les derniers détails. Puis ils dînèrent chez Rafaela, la mère de celle-ci ayant préparé un véritable festin. *** Une semaine passa, et Raf n'avait toujours aucune nouvelle de l'entreprise de dépannage. Loin de destresser, Celle-ci continuait à se faire du mauvais sang malgré les bons soins de Daniel qui ne la quittait pas une seconde. La mère de Rafaela était repartie, tout en rappelant à sa fille qu'elle referait le voyage si besoin était. Val et Ilia ne travaillaient pas ce jour-là, et avaient décidé d'aller faire un tour au parc Eurodisney avec Raf, Daniel et Cassandra. Mais, à leur grand regret, il tombait des trombes d'eau et ils durent remettre la sortie au jour suivant. Ils passèrent donc une partie de l'après-midi à jouer aux cartes quand le portable de Rafaela sonna. Elle répondit et écouta son interlocuteur avec attention. Elle ne dit pas un mot jusqu'à ce qu'elle en eut fini quelques minutes plus tard. - Alors ? S'enquirent ses amis à l'unisson. Raf embrassa Daniel avec passion. Elle avait besoin d'un peu de chaleur pour tenir le coup. Une autre bataille allait commencer et elle n'était pas sûre qu'elle allait en sortir indemne. *** Une heure plus tard, ils entrèrent dans les locaux de la société qui étaient toujours aussi misérables. Le standardiste les annonça au gérant et Raf vit avec plaisir celui-ci blêmir en voyant Ilia s'approcher. - Bonjour, les salua-t-il d'une voix mal assurée. Je croyais que
nous allions nous occuper de cette histoire entre gens civilisés. Ilia fit un clin d'il discret à Raf. Ils prirent place. Le gérant bougea quelques papiers sur la table de travail pour se donner une contenance mais surtout refréner sa colère devant la présence de ce dérangeant personnage. Il plaça devant lui le dossier avec tous les courriers et fax échangés, ainsi que les deux chèques litigieux. - Alors, fit Ilia d'un ton glacial. Pourquoi tant de hâte ? Le téléphone se mit à sonner. Le gérant blêmit d'avantage encore après avoir décroché, visiblement, ce que son interlocuteur lui disait ne lui plaisait pas. - Vous avez vraiment décidé de me faire fermer boutique
? S'écria-t-il avec colère en reposant le combiné.
Le gérant parut réfléchir un instant. Les différents services qui étaient déjà intervenus pour fouiller dans sa comptabilité et ses différents dossiers lui valaient déjà une facture exorbitante en redressements, et autres amendes pour non-respect de certaines législations. S'il devaient encore aller au tribunal, il devrait faire l'avance de tous les frais d'huissier, d'experts et payer un avocat pour défendre sa cause. De plus, si ces adversaires gagnaient, il devrait leur rembourser les frais avancés et, si le juge était généreux, il devrait sûrement acquitter des dommages et intérêts. Il fit un rapide calcul mental du montant des dépenses qu'allait lui occasionner toute cette procédure. La conclusion était claire. Il appela sa secrétaire, lui dicta le texte de l'attestation et lui demanda de faire au plus vite. Un quart d'heure plus tard, Ilia et Raf étaient dehors, un énorme sourire sur le visage. Ils avaient enfin obtenu gain de cause. - J'arrive pas à y croire
Merci, dit-elle les larmes aux
yeux en prenant le grand échalas dans ses bras. Celui-ci plutôt
surpris de la réaction de la jeune femme l'enveloppa avec chaleur. Ils arrivèrent vers 19h00 à l'appartement où Val
et Daniel se rongeaient les sangs. Ils essayaient tant bien que mal de
se concentrer sur le film que Cassandra regardait. Quand ils entendirent
les clés dans la porte, ils battirent le chien de Val de vitesse
pour aller les accueillir à la porte d'entrée. Au vu du
sourire épanoui de la jeune femme, ils comprirent, qu'après
une âpre bataille, ils avaient gagné. Ilia décida
d'inviter tout le monde à dîner l'extérieur pour fêter
l'heureux dénouement. Après un bon dîner dans un restaurant
les plus chic de la capitale, Raf et Daniel rentrèrent fatigués
mais heureux. Une fois rentrés chez eux, ils mêlèrent
leurs corps et leurs âmes dans une danse sensuelle qui dura jusque
tard dans la nuit, afin de renouveler toutes les promesses d'un avenir
qui s'annonçait enfin sans nuage. |