Amnésie
Chapitre 1
Disclaimer : Les personnages de Largo Winch ne m'appartiennent
pas. Je ne tire aucun bénéfice si ce n'est de faire plaisir
aux autres fans de la série
Style : NC17, Romance, Aventure
Résumé : Une jeune femme refait surface dans la vie
de Largo, ceci n'est pas sans conséquences pour l'Intel Unit
Auteur : Un commentaire ? Vous pouvez les adresser ici Lady
Heather
Note de l'auteur : WARNING
! ! ! ! Cette fic traite d'un sujet
délicat en l'occurrence le viol même s'il n'y a pas de scènes
très détaillées. Si cela ne vous gène pas,
bonne lecture, sinon... Attendez ma prochaine fic
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La chambre était dans la pénombre, seuls quelques rayons
de soleil entraient par l'entrebâillement des rideaux. Ils jouaient
avec les boucles de couleur châtain de la jeune femme qui reposait
sur le lit au milieu de la pièce. Seuls les bips des moniteurs
de contrôle venaient troubler la tranquillité des lieux.
Une infirmière entra accompagnée d'un médecin.
- Voyons voir comment va notre Jane Doe aujourd'hui.
Il examina la jeune femme avec minutie comme si cette attention pouvait
leur donner quelque indice que se soit sur son identité. Elle était
arrivée aux urgences de l'hôpital City of Angels quelques
jours auparavant avec des blessures graves. Elle avait visiblement été
battue et son agresseur avait voulu l'achever en lui tirant une balle
dans le cur. Heureusement, il avait raté sa cible d'un demi-centimètre.
L'examen ne révéla aucune amélioration, elle était
toujours dans le coma. Quand ils sortirent de la chambre, un policier
les attendait.
- Bonjour Dan, salua le médecin en lui tendant la main.
- Bonjour. Comment va-t-elle ?
- Son état est stationnaire, elle est toujours dans le coma ce
qui, en soi, est une bonne chose. Elle souffrirait trop si elle était
consciente. Et de ton côté, rien de neuf ?
- Nous avons trouvé son portefeuille mais il n'y avait rien dedans
qui puisse nous aider à l'identifier excepté cette photo,
fit le policier en la lui donnant.
Le médecin l'examina et la tendit à l'infirmière
qui se tenait toujours près de lui. Elle fronça les sourcils,
elle avait déjà vu cet homme mais elle n'arrivait pas à
se rappeler où.
- Qu'y a-t-il, Beth ? Fit l'inspecteur en voyant l'infirmière se
diriger vers la salle d'attente.
- J'ai déjà vu cette tête-là quelque part.
- Comment ça ?
- J'ai discuté avec ma sur et on a plaisanté sur le
fait qu'elle aimerait rencontrer l'homme de sa vie.
- Je ne vois pas le rapport.
- Et bien, elle m'a tendu un magazine en me disant qu'elle aimerait que
l'homme idéal ressemble à celui de la couverture. Je suis
prête à parier que c'était lui.
Elle farfouilla entre les magazines posés sur une table basse dans
la salle d'attente.
- Je savais bien que j'avais raison, dit-elle en tendant un exemplaire
d'un journal people au policier. Regarde Dan, tu vois
Ton type,
bien qu'il ait l'air plus jeune sur la photo, s'appelle Largo Winch et
c'est l'un des hommes les plus riches du pays.
Le policier fit la moue. Quelque chose lui disait que tout n'allait pas
être aussi simple qu'il le pensait. Il reprit la photo et alla jeter
un coup d'il à la jeune femme, comme il le faisait tous les
jours.
@@@@@@@@@@@
Tout était tranquille au penthouse. Largo étudiait
avec Joy le système de sécurité à mettre en
place dans l'une de leurs usines où il y avait eut deux intrusions
en quelques mois. Le téléphone sonna, il répondit
distraitement.
- Qu'est-ce qu'il y a ? Demanda Joy en regardant l'air inquiet de Largo
qui reposait l'appareil.
- La police est ici.
- Ils ont dit ce qu'ils voulaient ?
- Non, mais je suppose que l'on ne va pas tarder à le savoir, fit
le jeune homme en entendant frapper à la porte du penthouse.
Joy alla ouvrir et se retrouva devant un homme du même âge
que son patron. Il avait des yeux bleu océan et des cheveux mi-longs
retenus par un catogan. Elle lui fit signe d'entrer.
- Bonjour, fit Largo en tendant la main pour saluer le policier.
- Bonjour, je suis l'inspecteur Daniel Miller, répondit-il en montrant
sa plaque.
- Que puis-je pour vous ?
- Eh bien, nous avons trouvé une jeune femme blessée non
loin d'ici que vous pourriez peut-être nous aider à identifier.
C'est bien vous sur cette photo ? Demanda-t-il en la lui présentant.
Il examina le cliché. Jessica
Ca faisait si longtemps qu'il
n'avait pas eu de ses nouvelles. Elle avait été une très
bonne amie, toujours là pour lui, même dans les moments les
plus noirs. Il revoyait leur dernière rencontre : elle avait tenté
de lui faire comprendre que sa dernière conquête se servait
de lui, pour faire passer des armes de l'autre coté de la frontière,
dans sa vieille voiture. La dispute qui avait éclaté avait
été violente. Il l'avait accusée de jalousie et était
parti sans se retourner en déclarant qu'il ne voulait plus jamais
la revoir. Il avait été si aveugle qu'il avait sacrifié
leur amitié et leur confiance mutuelle pour l'amour de la belle
rousse. Seul son orgueil l'avait empêché de s'excuser quand
il avait découvert qu'elle disait vrai et après, il avait
été trop tard. Le mal était déjà fait.
La main de Joy sur son épaule le ramena à la réalité.
- Oui, c'est bien moi
- Alors vous connaissez cette jeune femme ?
- Oui, elle s'appelle Jessica Wardfield. Aux dernières nouvelles,
elle travaillait toujours pour la police de Los Angeles. Vous dites qu'elle
est blessée ?
- Oui, elle a été battue puis on lui a tiré dessus,
elle est pour le moment dans un état grave à l'hôpital
City of Angels.
- Mon dieu, dit Largo troublé par la nouvelle, elle va s'en sortir
?
- D'après le médecin, elle a de grandes chances. Quand l'avez-vous
vu pour la dernière fois ?
- Notre dernière rencontre remonte à quatre ans au moins.
Je ne savais même pas qu'elle était en ville.
- Bien. Merci, M. Winch.
Le policier partit laissant le jeune homme abasourdi par la nouvelle.
Il sembla réfléchir un instant puis il prit sa veste et
sortit, Joy sur ses talons.
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Dans une villa de Malibu, le téléphone se
mit à sonner. Un homme d'un certain âge répondit.
- Elle est toujours en vie, fit une voix, votre homme a échoué.
- Alors faites ce qu'il faut. Le problème doit être résolu
avant que le prochain chargement n'arrive.
- Comme vous voudrez mais cela risque d'attirer inutilement l'attention
sur nous
- Si jamais elle parle, nous pouvons dire adieu à notre investissement
- Bien, vos ordres seront exécutés.
L'homme reposa l'appareil, alluma un cigare et sourit. Bientôt,
le dernier obstacle à la prospérité de ses affaires
aurait disparut.
@@@@@@@@@
Largo entra dans la chambre où reposait la jeune
femme. Son cur se serra à sa vue. Elle était si pâle
et encore plus menue que dans ses souvenirs. Ses longs cheveux châtains
étaient éparpillés sur l'oreiller. Il s'assit dans
le fauteuil près du lit et prit sa main dans la sienne. Il y déposa
un doux baiser, puis il caressa son visage retenant avec peine ses larmes
- Je suis désolé, Jess. Je n'aurais jamais dû te laisser
tomber comme cela.
Le silence retomba dans la pièce. Il ne savait pas trop quoi lui
dire, c'était comme se retrouver devant une étrangère
qu'il connaissait pourtant très bien. Une infirmière entra
pour leur signaler la fin des visites. Largo avait du mal à la
quitter maintenant qu'il l'avait retrouvée. Il lui promit de revenir
le lendemain et déposa un doux baiser sur son front.
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Dans la voiture, un silence pesant s'installa. Joy avait
bien essayé de le faire parler mais il n'avait répondu que
par monosyllabes, la dissuadant de continuer la conversation. Arrivé
au groupe W, il monta s'enfermer au penthouse sans décocher un
seul mot. Joy soupira et alla rejoindre Kerensky et Simon au bunker.
- T'en fait une tête, dit Simon en la voyant entrer, mauvaise journée
?
- Quelque chose comme ça, fit-elle en se laissant tomber sur l'une
des chaises.
Kerensky leva les yeux et observa la jeune femme. Elle avait l'air triste
et inquiète. Comme si quelque chose, ou quelqu'un, avait envahi
son territoire.
- Simon, est-ce que Largo t'as déjà parlé d'une jeune
femme appelée Jessica Wardfield ?
- Jess ? D'où tu la connais ? S'exclama Simon surpris. Ca fait
au moins quatre ans que je ne l'ai pas revu.
- La police est venue nous demander de l'aide pour l'identifier.
- Tu veux dire qu'elle est morte ?
- Non, elle est dans le coma et Largo semble bouleversé.
- Ca ne me surprend pas. Il n'a jamais voulu me dire comment il l'avait
rencontré. Mais ils étaient très amis, ils passaient
beaucoup de temps ensembles chaque fois que nous passions du coté
de Los Angeles.
- Que peux-tu me dire d'autre ?
- Pourquoi veux-tu savoir ? Demanda Simon
- Connaissant Largo, une fois le choc passé, il va vouloir trouver
ceux qui ont fait cela, répondit-elle.
- Elle travaillait à l'époque pour la police. Ils ont eut
une grosse dispute, je ne sais pas à quel sujet. Il n'a jamais
voulu en parler. Après ils ne se sont pas revus, même si
je suis sûr qu'elle a gardé un il sur lui.
- Comment ça ?
- Elle a toujours été très protectrice envers lui
pour une raison que j'ignore. Elle était toujours au courant de
ce qui se passait dans la vie de Largo sans y paraître.
- Je vois et tu crois qu'elle a continué après leur dispute
?
- J'en mettrais ma main à couper.
La porte du bunker s'ouvrit, livrant passage à un Largo la mine
défaite. Voir Jessica dans un tel état l'avait atteint plus
qu'il ne l'aurait voulu.
- Je suppose que Joy vous a mis au courant de ce qui se passe et que Simon
vous a donné le peu d'information qu'il avait. Je me trompe ?
Personne ne répondit. Les trois amis étaient surpris de
voir à quel point il semblait déstabilisé par le
retour de cette inconnue dans sa vie.
- Kerensky
.
- Je sais, tu veux tout savoir sur cette jeune femme surtout ce qui s'est
passé ces quatre dernières années.
- Exact et je le veux
- Pour hier, je m'en doute, fit Kerensky en se mettant à tapoter
sur son clavier.
Largo se retourna et sortit sans ajouter un mot
@@@@@@@@@@
Tout était calme dans le penthouse. La lumière
était éteinte, seul un feu de cheminée illuminait
la pièce. Largo était assis sur le canapé, un verre
de bourbon à la main. Il regardait les flammes crépiter
dans l'âtre. Il ne cessait de voir et de revoir le visage pâle
de Jessica dans cette chambre d'hôpital.
*******
Flash-back
- Tu ne peux pas continuer à tout garder pour toi ! Ca va finir
par te détruire ! Fit Jessica en s'asseyant sur le canapé.
- Et ça va me rapporter quoi d'en parler, si ce n'est d'avoir mal
? Dit-il en haussant le ton.
- Te soulager
Je sais ce que tu ressens.
- Non, tu ne sais pas ! Tu ne sais pas ce que c'est de se sentir seul,
sans défense, sans ne rien pouvoir faire pour que ca s'arrête,
cria-t-il.
- Oh, si je le sais, Largo, répondit-elle d'une voix douce. Je
sais ce que c'est de se sentir si sale que même en utilisant toute
l'eau de l'océan, on ne se sentira plus jamais propre. Je sais
ce que c'est de ne plus se sentir nulle part en sécurité.
Je sais ce que c'est d'avoir tellement mal qu'on a l'impression de ne
plus exister, je le sais. Alors si tu ne laisses pas sortir toute cette
haine, cette peur et cette colère, ca finira par te bouffer de
l'intérieur et te détruire.
- Je
Je ne peux pas ! Déclara le jeune homme avec désespoir
en laissant couler des larmes de frustration.
Fin du flash-back
**********
Largo porta son verre à ses lèvres et en but une gorgée.
L'alcool lui brûla la gorge.
- Et bien sûr, tu avais raison, fit-il en levant son verre à
l'obscurité.
Il s'endormit, sans même s'en rendre compte, sur le canapé
d'un sommeil agité où il courait derrière Jess qui,
sans cesse, le fuyait dès qu'elle était à portée
de main.
@@@@@@@@@@
Le lendemain, Largo retourna voir la jeune femme. Son état
restait stationnaire. Il s'assit à nouveau près d'elle sans
savoir quoi lui dire, aussi sortit-il un livre de la poche intérieure
de sa veste, et commença à lui faire la lecture d'une voix
qu'il voulait douce. Les minutes devinrent des heures et il continuait
inlassablement son récit. Il avait choisit le livre préféré
de la jeune femme " Les Hauts de Hurlevent ". Quand l'infirmière
vint en fin d'après midi lui signaler la fin des visites, il embrassa
Jessica et repartit le cur plein de tristesse. Il avait espéré
qu'elle sortirait de son sommeil de mort telle " La belle au bois
dormant ". Il reprit la route de l'immeuble du groupe W avec une
seule envie, s'enfermer et ne voir personne. Pourtant, la curiosité
le démangeait. Il voulait savoir ce que son équipe, et en
particulier Kerensky, avait pu trouver. Quand il entra dans le bunker,
Simon et Joy le dévisagèrent d'un air inquiet, quant au
Russe il ne leva même pas la tête.
- Comment va-t-elle ? S'enquit Simon doucement.
Largo leva la tête et regarda Simon avec surprise. Il n'aurait jamais
cru que son ami pouvait être capable d'une telle douceur, lui, le
clown de service. Surtout qu'il n'avait jamais vraiment aimé la
jeune femme, il n'avait jamais caché qu'il la considérait
comme une rivale dans son amitié avec lui. Cela effaça pendant
un moment la colère qui le rongeait de voir une personne qu'il
aimait au bord de la mort sans pouvoir y faire grand chose.
- Elle va mieux, merci. Le médecin espère qu'elle sortira
bientôt du coma. Il est un peu inquiet quant à l'étendu
des dégâts. Il ne pourra en juger que quand elle aura repris
connaissance.
- Il pourrait y avoir des séquelles ? Demanda Simon.
- Pour tout dire, il n'en sait rien.
- Et ça t'inquiète, n'est ce pas ?
- Evidement, fit-il plus vivement qu'il ne l'aurait voulu. Alors qu'avez-vous
trouvé ? Interrogea-t-il en reprenant un calme apparent.
- Pas grand chose, annonça Kerensky en enlevant ses lunettes. Elle
a sillonné le pays pendant une bonne année après
votre dernière rencontre. Elle a travaillé essentiellement
pour des unités d'élite, comme la VCTF, surtout dans l'aide
aux victimes. Elle a donné un bon nombre de conférences
dans de nombreuses académies de police. Il y a trois ans, elle
a passé le concours d'inspecteur et s'est définitivement
installée à Los Angeles où elle fait partie de la
criminelle, même si elle n'hésite pas à donner un
coup de main dans d'autres services dès que l'occasion s'en présente.
C'est un vrai bourreau de travail, en trois ans de service, elle n'a pratiquement
pas pris de vacances. Elle travaille en solo et a un taux de réussite
de près de 95%. Elle partage son temps libre, quand elle en a,
entre la plage où elle joue les sauveteurs en mer et un centre
d'aide aux victimes d'agressions sexuelles.
***********
Flash-back
Il était assis dans un fauteuil près d'une grande baie
vitrée, un bandage recouvrait son front et ses poignets. Il sentit
une présence derrière lui mais ne se retourna pas. Il savait
qui venait de pénétrer dans la chambre blanche d'hôpital
et n'osait pas la regarder dans les yeux.
- Pourquoi ? Demanda-t-elle d'une voix douce en s'asseyant sur le lit
derrière lui.
Il ne répondit pas. Elle savait très bien pourquoi, mais
il n'était pas prêt à l'admettre. Lui savait que le
silence était le seul rempart qui lui restait contre la douleur.
S'il se mettait à parler alors celle-ci le submergerait et jamais
il ne pourrait s'en sortir.
- Le silence ne t'apportera rien de bon, continua-t-elle avec la même
douceur.
Elle le sentait au bord de la rupture. Près de cet instant où
toutes les émotions se fondent, se déchaînent et harassent
tout sur leur passage. Elle le vit baisser la tête et commencer
à trembler.
- J'ai mal
, furent les seuls mots qu'il put prononcer avant de se
mettre à sangloter.
Elle s'approcha de lui, s'agenouilla près du fauteuil et le prit
dans ses bras avec une douceur infinie. Elle resta là, lui caressant
les cheveux. Elle lui parla encore et encore, et il se laissa bercer par
cette voix qui le rassurait, lui promettant des jours meilleurs. Il finit
par s'endormir, la tête sur son épaule, épuisé
par tant de douleur retenue depuis si longtemps.
Fin du flash-back
****************
La voix de Simon le ramena à la réalité. Et il prit
une grande inspiration.
- C'est Miss Perfection à ce que je vois, fit Simon s'attirant
un regard glacial de son ami.
- Tu as une idée sur quoi elle travaillait dernièrement
? Demanda Largo.
- D'après ce que j'ai pu apprendre, une nouvelle drogue qui est
en train de faire des ravages là-bas. Cette saloperie a déjà
tué une quinzaine de personnes.
- Tu as parlé à ses supérieurs ?
- Le flic que j'ai eu m'a seulement dit qu'elle était en congé.
- Tu ne les as pas mis au courant ?
- Non, je ne vais tout de même pas faire le travail des policiers
de la ville et puis, j'ai pensé que cela nous donnerait un peu
de temps avant que ses collègues ne débarquent.
- Du temps pourquoi ? Questionna Simon.
- Pour retrouver ceux qui ont fait cela
Le portable de Largo sonna, mettant fin à la discussion. Il sourit
faiblement, fit signe à Joy de le suivre et sortirent du bunker
en direction de l'hôpital.
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La première chose que Jessica ressentit fut un élancement
dans la poitrine. Elle avait l'impression que celle-ci était en
feu. Elle ouvrit les yeux en entendant une voix lointaine qui l'appelait.
L'image, d'abord floue, devint plus claire et elle se trouva devant un
homme en blouse blanche qui lui souriait.
- Ouvrez les yeux, allez soyez gentille
. C'est bien. Ne vous affolez
pas, fit-il en voyant la peur envahir son regard. Vous êtes à
l'hôpital. Vous venez juste de vous réveiller
Elle tenta de parler mais aucun son ne sortit de sa bouche à part
un croassement. Le médecin lui tendit un verre d'eau avec une paille.
- Allez-y, buvez doucement.
- Qui êtes-vous ? Fit-elle d'une voix rauque.
- Je suis le docteur Wallace. Et comment vous appelez-vous ?
- Je
. Je
.
Elle était au bord des larmes. Son cerveau refusait de fonctionner,
comme si quelqu'un avait effacé la bande avec toutes les informations.
- Ce n'est pas grave, dit le médecin en jetant un coup d'il
à l'infirmière. Vous venez juste de vous réveiller,
il faut laisser le temps à la machine de se remettre en marche.
- Je ne me souviens pas
.
Elle était au bord de la panique. Elle ferma les yeux et respira
profondément. Une douleur lui vrilla le torse et elle fit la grimace.
- Vous avez été blessée. Restez calme, ne vous agitez
pas.
Elle hocha la tête est referma les yeux, elle se sentait vidée
et inquiète. Elle ne remarqua pas le calmant que l'infirmière
avait injecté dans sa perfusion et sombra dans un sommeil sans
rêves.
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Largo conduisait le 4x4 en silence. Il se demandait comment
elle allait l'accueillir après 4 ans de silence. Il arriva en vue
de l'hôpital et soupira. Il descendit de voiture et se dirigea vers
le bâtiment sans attendre Joy qui avait du mal à le suivre.
Il se précipita dans l'ascenseur et monta au 5ème étage.
La garde du corps avait grand peine à ne pas lui poser de questions.
Mais elle connaissait assez Largo pour savoir qu'il ne parlerait pas tant
qu'il ne serait pas prêt. Le médecin sortait du bureau des
infirmières quand le jeune milliardaire tourna dans le couloir
pour aller dans la chambre de Jessica.
- M. Winch ? Je suis content de vous voir. Je sais qu'il est tard
- Comment va-t-elle ? Demanda-t-il anxieux.
- Elle a repris connaissance, il y a une heure à peu près.
Elle est désorientée avec une perte de mémoire. C'est
tout ce que je peux vous dire pour le moment. Nous avons dû la mettre
sous sédatif, elle souffre encore beaucoup.
- Vous voulez dire qu'elle est amnésique ?
- Il est encore trop tôt pour le dire. Comme je vous l'ai dit, elle
sort du coma et a subit un traumatisme important, il n'est donc pas anormal
qu'elle soit désorientée. Nous en saurons plus quand elle
se réveillera demain.
- Je peux la voir ? Je vous promets que je ne la réveillerais pas
Le médecin hocha la tête. Largo se dirigea vers la chambre.
Il était si près du but et pourtant si loin. Que ferait-il
si elle ne se souvenait pas de lui ? De ce qu'ils avaient traversé
ensemble, de ce qu'ils avaient partagé ? Plus il approchait de
la chambre, plus il était nerveux à l'idée de se
retrouver près d'elle. Il entra dans la pièce, Joy sur ses
talons. Elle se posta près de la fenêtre et prit la peine,
pour la première fois, de bien détailler celle qu'elle considérait
comme une rivale. Elle avait les yeux clos, ses longs cheveux en désordre
étaient étalés sur l'oreiller. Elle n'était
pas vraiment belle mais une douceur se dégageait de son visage.
Joy se rendit compte qu'elle ne pouvait détester cette jeune femme.
Elle lui semblait étrangement familière et pourtant si étrangère
à la fois. Largo caressa le pâle visage de la jeune femme
en lui murmurant des mots doux. Il déposa un léger baiser
sur le front et sortit de la pièce, son garde du corps le suivant
toujours. Sans dire un mot, il lui tendit les clés de la voiture.
Il ne se sentait pas le courage de reprendre le volant. Il n'avait qu'une
seule envie, dormir pour oublier.
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Le jour se levait sur la ville. Largo contemplait l'astre
monter dans le ciel. Il avait eu du mal à trouver le sommeil, se
tournant et se retournant dans son lit. A la fin, il s'était levé
et avait déambulé dans le penthouse, ressassant toujours
les mêmes pensées et revoyant des images qu'il aurait préféré
oublier. Il pouvait encore entendre cette dispute qui les avait séparés.
Il lui avait dit des choses tellement injustes. Il avait tellement regrettés
ces mots blessants. Le regard qu'elle lui avait jeté avant qu'il
ne lui tourne le dos et ne sorte de sa vie était restée
gravé dans sa mémoire. Il n'entendit pas Joy entrer. Elle
ne semblait pas, elle non plus, avoir dormi de toute la nuit.
- Largo ? Dit-elle en s'approchant de la baie vitrée.
Il ne répondit pas tout de suite, il semblait bien loin dans ses
pensées. Elle posa sa main sur son épaule le faisant sursauter.
- Désolée, je ne voulais pas te faire peur.
- Je ne t'ai pas entendu entrer.
- Largo, qu'est cette jeune femme pour toi ? Demanda-t-elle.
- Une amie, une amie très chère. Elle m'a aidé quand
j'en ai eu besoin, sans jamais rien attendre en retour et la seule fois
où elle m'a demandé ma confiance, je la lui ai refusé
Voilà qui elle est, répondit-il en se perdant à nouveau
dans les souvenirs qui refaisaient surface.
Joy attendit pendant quelques minutes puis, comprenant qu'elle n'en apprendrait
pas plus, alla se servir une tasse de café.
- Au fait, Sullivan m'a chargée de te donner le dossier concernant
le rachat de cette usine au Pérou. Ca lui paraît être
une entreprise risquée bien qu'elle soit viable. Il voudrait bien
que tu étudies les derniers chiffres et que tu passes le voir dans
la journée.
Il hocha la tête pour montrer qu'il avait entendu mais ne répondit
pas. Joy soupira et sortit du penthouse. Il commençait vraiment
à l'inquiéter.
@@@@@@@@@@
Un homme vêtu d'une tenue d'infirmier se dirigeait
d'un pas sûr vers la chambre 512. Si tout se passait comme prévu,
tout serait terminé dans moins d'une dizaine de minutes. Il tâta
discrètement la seringue cachée dans sa poche. Il entra
dans la pièce et, pendant un instant, regarda la jeune femme qui
reposait dans le lit. Elle semblait endormie. Largo et Joy venaient d'arriver
sur le parking de l'hôpital, le jeune homme était plus nerveux
que d'habitude. Il appréhendait de se retrouver face à la
jeune femme maintenant qu'elle avait repris connaissance. Dans la chambre,
le soi-disant infirmier approcha doucement essayant de faire le moins
de bruit possible pour ne pas la réveiller. Il attrapa la perfusion.
Jessica sentit une présence et ouvrit les yeux. Elle tenta de hurler
mais il lui la main sur la bouche la réduisant ainsi au silence.
- Quel dommage, fit-il en souriant. Cela aurait été tellement
moins douloureux
Il retira un oreiller de dessous la tête de la jeune femme et le
plaqua contre son visage. Il l'y maintint tandis que Jessica tentait de
se débattre. La porte s'ouvrit à toute volée et Joy
apparut l'arme au poing. Elle la pointa vers l'agresseur. Celui-ci lâcha
prise et chercha à dégainer le pistolet qu'il avait caché
sous sa blouse blanche. Mais Joy ne lui en laissa pas le temps, elle tira,
tuant l'homme sur le coup. Largo se précipita vers Jessica qui
était au bord de la panique.
- Tout va bien, dit-il doucement. C'est terminé. Il ne vous fera
aucun mal.
- Qui
Qui êtes-vous ? Fit-elle en regardant le jeune homme
qui tentait de la calmer.
Son visage lui semblait familier mais elle était incapable de remettre
un nom dessus.
- Je suis un ami. Restez tranquille, le docteur Wallace va venir très
vite.
Il n'avait pas fini sa phrase que celui-ci passait la porte. Il examina
la jeune femme et fut soulagé de voir qu'elle allait à peu
près bien. Il lui administra un sédatif pour qu'elle puisse
se reposer et se remettre de ses émotions. Le corps du malfaiteur
fut enlevé et tout fut nettoyé avant qu'elle ne se réveilla.
- Comment va-t-elle ? Demanda Largo avec inquiétude.
- Tout va bien, elle est choquée et effrayée. Je lui ai
donné un calmant, elle va dormir pendant quelques heures.
- Je me demandais s'il était possible de la faire sortir d'ici.
- Avec les soins appropriés, c'est possible, bien sûr. Que
voulez-vous faire ?
- La ramener chez moi, où je pourrais assurer sa sécurité.
- C'est à la police de faire ce travail.
- Disons seulement que j'ai une équipe de spécialistes sous
la main qui seront à même de la protéger, beaucoup
plus efficacement que la police.
Le médecin sembla réfléchir un instant. Ce jeune
homme semblait vraiment sincère quand il parlait d'assurer la sécurité
de sa patiente.
- Bien, je vais l'examiner dès qu'elle se réveillera ensuite
vous pourrez l'emmener. Mais je tiens à continuer à la suivre.
Son cas est quand même assez grave.
- Sans problème, merci docteur. Si vous le permettez, je vais aller
la rejoindre maintenant.
Largo repartit vers la chambre où Joy montait la garde. Elle hocha
la tête et sortit le laissant seul avec la jeune femme.
@@@@@@@@@@
Quelques heures plus tard, Jessica se réveilla à
nouveau et vit près d'elle le même homme qui lui avait pratiquement
sauvé la vie. Elle sourit ne sachant pas quoi faire.
- Bonjour, fit-il avec douceur. Comment vous sentez-vous ?
- Mieux je suppose, fit-elle d'une voix incertaine. Qui êtes-vous
? Et qui est la jeune femme qui a
.
- C'est Joy, mon garde du corps et moi je suis Largo
Largo Winch.
- Nous nous connaissons ?
- En quelque sorte
Nous avons été amis, il y a longtemps.
- Je suis désolée mais je crains de ne pas me souvenir de
vous, fit-elle en essayant de contrôler la peur qui montait en elle.
Ni même de me souvenir de qui je suis, moi
Vous savez comment
je m'appelle ?
- Jessica
Jessica Wardfield, répondit-il en lui caressant
la joue.
Elle répéta ce nom deux ou trois fois, mais il ne lui disait
pas grand chose. C'était un nom comme un autre. Elle secoua la
tête en signe de frustration. Il lui prit la main et la serra pour
la rassurer
- Ne vous inquiétez, ca va revenir.
- Et si ca ne revient pas ? Et si je n'arrivais plus à me souvenir
?
- Laissez-vous du temps. Le traumatisme subi est grand.
- C'est ce qu'a dit le docteur, fit-elle au bord des larmes, mais je ne
peux m'empêcher de
- Calmez-vous, je suis sûr qu'avec un peu de repos, tout va rentrer
dans l'ordre.
Elle eut un léger sourire. Sans savoir pourquoi, elle se sentait
en confiance avec lui. Il avait l'air gentil, doux, avec un regard azur
qui semblait vous transpercer jusqu'à l'âme. La porte de
la chambre s'ouvrit, livrant passage à la jeune femme à
qui elle devait la vie. Elle fit signe à Largo de sortir. Elle
avait l'air inquiète ce qui ne fit qu'augmenter la peur que ressentait
Jessica.
- Tu as du nouveau ? Demanda-t-il en sortant de la chambre.
- D'après la police, le type que j'ai descendu est un petit dealer
de troisième zone. Il travaille occasionnellement pour un gros
bonnet, Arthur Landis.
- Que voudrait un gros bonnet comme Landis à un inspecteur de Los
Angeles, ce n'est pas logique ! S'exclama le jeune milliardaire.
- Je le sais, c'est pour cela qu'il faut l'emmener et vite. Si ce type
en a après ton amie, elle n'a pratiquement aucune chance de s'en
sortir. Il est réputé pour ne jamais laisser un travail
inachevé, si tu vois ce que je veux dire.
- D'accord. Essaye de trouver le docteur Wallace et explique lui la situation.
Quant à moi, je vais mettre Jessica au courant.
- Tu crois que c'est une bonne idée ? Fit Joy en fronçant
les sourcils.
- Jessica est peut être blessée, affaiblie et amnésique
mais elle est loin d'être stupide. Je m'éviterais bien des
complications si je lui dis la vérité.
- Ne me dis pas qu'elle te fait peur ? Demanda Joy avec un air moqueur.
- Non, mais la dernière fois que je lui ai menti, j'ai faillit
finir en brochette pour son barbecue.
- Faudra que je lui demande sa recette alors, continua-t-elle avec malice.
Elle s'en alla avant que Largo ne puisse faire aucune autre remarque.
Il soupira et entra à nouveau dans la chambre. Jessica le détailla
de la tête au pied. Cette allure, ce regard et cette voix qui la
rassurait lui étaient si familiers. Elle se sentait frustrée.
Les souvenirs étaient là, effleurant la surface de ses pensées,
mais ils s'échappaient à la vitesse du colibri dès
qu'elle tentait de les emprisonner.
- Vous savez qui a voulu me tuer ? L'interrogea-t-elle en percevant son
inquiétude.
- Nous avons quelques précisions en effet. Ne vous inquiétez
pas, vous ne craignez rien tant que Joy et moi serons près de vous.
- Je le sais
Je ne saurais dire pourquoi
. Qui est-il et pourquoi
voulait-il me tuer ? Fit-elle en frissonnant.
- La seule chose dont nous soyons sûrs, c'est que c'était
un petit truand de bas étage. Il n'a pas assez d'envergure pour
monter ce coup tout seul
- Vous pensez que je suis encore en danger, n'est-ce pas ? Dit-elle en
essayant de ne pas céder à la panique.
Largo hocha la tête. Même s'il l'avait voulu, il aurait du
mal à lui mentir. Il avait beaucoup trop de respect pour elle.
- Ecoutez, si votre état le permet, j'aimerais que vous vous installiez
chez moi. Vous y serez en sécurité.
- Ce n'est pas plutôt le travail de la police ? Et je ne voudrais
pas vous déranger. Vous avez sûrement d'autres choses à
faire que de veiller sur moi.
- J'ai un personnel plus que compétent comme vous avez pu le constater.
Et pour le moment, vous êtes ma préoccupation majeure. Laissez-moi
faire cela pour vous
Je vous le dois bien.
Jessica regarda avec curiosité cet homme qui tentait par tour les
moyens de cacher la souffrance qui le dévorait. Pourquoi le lui
devait-il ? S'ils avaient été amis, pourquoi la vouvoyait-il
? De multiples questions virevoltaient dans son esprit. Elle se sentait
fatiguée et sa poitrine commençait à lui faire de
nouveau mal. Le médecin arriva quelques minutes plus tard. Il examina
la jeune femme et en conclut qu'elle était assez forte pour quitter
l'hôpital. Malgré tout, Jessica avait peur, elle abandonnait
le seul point de repère qu'elle avait pour le moment. Le médecin
promit de venir la voir tous les jours avant de prendre sa garde pour
continuer à surveiller ses progrès.
@@@@@@@@@@
Dans une villa des quartiers huppés de la ville,
un homme tournait en rond. Il était furieux de la tournure des
événements. Non seulement son homme n'avait pas réussi
sa mission, et éliminer la menace, mais en plus il avait fini à
la morgue. Il prit une cigarette sur le bureau en bois de merisier. Il
fouilla ses poches à la recherche d'un briquet qu'il trouva dans
la poche intérieure de sa veste. Il l'alluma et tira rageusement
une bouffée. Comment allait-il annoncer cet échec a son
associé de la Cote Ouest ? D'autant plus que maintenant, la cible
ne serait plus facile à atteindre. D'après ce qu'il avait
appris par ses contacts dans la police, le type qui la protégeait
était un gros bonnet de la finance avec une équipe de sécurité
des plus efficaces.
@@@@@@@@@@
La matinée était déjà bien avancée
quand Jessica se réveilla dans ses nouveaux quartiers. Le jour
précédent, elle avait été si fatiguée
par sa sortie de l'hôpital qu'elle s'était endormie sans
besoin d'aucun somnifère, ni calmant, dès que sa tête
avait touché l'oreiller. Elle examina avec attention la chambre
dans laquelle elle allait passer quelques temps. Les murs étaient
couleur crème avec une frise aux teintes bleutées. Dans
le coin près de la fenêtre, il y avait une table basse en
verre sur laquelle était posé un petit bouquet de violettes
ainsi que quelques magazines. Un petit canapé blanc cassé
et un petit fauteuil complétaient ce coin détente. Une coiffeuse,
et une armoire ornaient l'autre coin de la pièce. Elle regarda
la petite pendule en marbre sur le chevet, il était près
de onze heures. Elle tenta de se relever et retomba sur l'oreiller le
souffle court. Le docteur Wallace l'avait prévenu qu'il lui faudrait
du temps pour se remettre physiquement, ce n'était pas rien ce
qu'elle avait subit. Elle essaya alors de faire appel à ses souvenirs
mais, là encore, elle se retrouva face un vaste néant. Elle
entendit la voix de Largo lui murmurer que cela reviendrait mais une peur
sourde s'emparait d'elle dès qu'elle se laissait aller à
trop y réfléchir. Toujours d'après le médecin,
elle ne devait pas forcer sa mémoire, elle devait simplement laisser
ses souvenirs venir à elle. La porte s'ouvrit et Joy apparut avec
un plateau emplit de victuailles.
- Je vois avec plaisir que vous êtes réveillée. J'espère
que vous avez faim parce que Largo vous a commandé un petit déjeuner
gargantuesque, dit Joy en le posant sur le lit.
- Oui, très faim. La nourriture de l'hôpital n'est pas vraiment
faite pour se déguster. Où est M. Winch ? Demanda-t-elle
hésitant à appeler son bienfaiteur par son prénom.
- Il est à une réunion avec les chacals du conseil d'administration
et je crains que cela ne se finisse tard dans l'après-midi.
- Vous ne semblez pas les aimer, dit Jessica en prenant un petit pain
pour le beurrer.
- Disons seulement que leur sport favori est de mettre des bâtons
dans les roues à leur patron.
- Effectivement, je comprends mieux, répondit-elle en mordant le
petit pain. Vous en voulez ? Continua-t-elle en désignant le plateau.
Jamais je n'arriverai à tout manger et je parie que votre patron
ne sera pas très heureux si je ne finis pas tout cela.
- Comment le savez-vous ? Fit Joy en fronçant les sourcils tout
en esquissant un sourire.
- Une intuition
.
Joy éclata de rire. Elle commençait à apprécier
la jeune femme qui avait l'air ne pas se laisser impressionner si facilement.
Elle s'assit sur le lit et prit un petit pain. Elle parlèrent de
tout et de rien, Jessica essayant de collecter le plus d'information possible
sur Largo et sur sa garde du corps.
Vers trois heures de l'après-midi, Largo entra dans le penthouse.
Il avait mené une dure bataille. Il avait l'air épuisé,
à bout de nerf, et ses cheveux semblaient plus rebelles que d'habitude.
Quant à son regard azur, il y avait une tristesse indéfinissable
qui trahissait une souffrance cachée qui remontait à la
surface. Il trouva Joy assise sur le canapé feuilletant un magazine.
Elle ne semblait pas avoir remarqué sa présence. Il en profita
pour la détailler d'un il appréciateur. Elle portait
un tailleur court bleu vert, qui contrastait avec ses yeux et sa chevelure
brune. Le petit haut blanc était légèrement transparent
et entrouvert jusqu'à la naissance de la poitrine de la jeune femme.
Il la trouvait très sexy et son cur s'emballa en imaginant
ses lèvres sur les siennes.
- Largo, ça va ? Fit-elle en s'apercevant de sa présence.
- J'ai vu mieux, répondit-il en jetant les dossiers sur le bureau
et sa veste sur la chaise. Et Jessica ?
- Elle va bien, elle s'est endormie après avoir mangé un
solide petit déjeuner. Le docteur Wallace est passé tout
à l'heure. Il m'a dit qu'il était normal qu'elle se fatigue
vite et qu'elle dorme autant. Il m'a conseillé de la faire marcher
un peu quand elle se réveillerait pour faire fonctionner un peu
ses muscles. Ceci étant dit, continua-t-elle en se levant, je vais
rejoindre Kerensky au bunker, il y a encore pas mal d'infos à vérifier
et je n'ai pas fini de l'entendre rouspéter s'il doit le faire
tout seul.
Largo sourit en secouant la tête. Ces deux-là étaient
vraiment impossibles, il savait très bien qu'ils s'appréciaient
même s'ils prenaient un malin plaisir à se taquiner. Il alla
se servir un café et se posta près de la baie vitrée
pour contempler la ville qui s'étendait à ses pieds. Il
soupira encore une fois en repensant à l'opposition acharnée
de Cardignac à propos du renouvellement d'une partie de la flotte
de la Winchair. Il posa la tasse sur le bureau et alla voir son invitée.
Elle était assise, le dos calé contre plusieurs oreillers.
- Bonjour !
Elle leva les yeux du livre qu'elle était en train de lire. Un
sourire illumina son visage.
- Bonjour, répondit-elle presque timidement.
- Comment vous sentez-vous ?
- Mieux merci. Par contre vous, on dirait un gladiateur tout droit sortit
des arènes.
Il sourit à la comparaison. Oui, avec un conseil d'administration
comme celui-là, on pouvait aisément les comparer à
ces combattants des temps anciens. L'amnésie de la jeune femme
ne semblait pas avoir affecté son sens de l'humour.
- C'est à peu près cela.
Un silence gêné s'installa, ni l'un ni l'autre ne savaient
quoi dire. Elle se contenta d'examiner ce visage rongé par la fatigue.
Elle s'attarda sur ses yeux qui, même s'ils étaient pleins
de vivacité, laissaient entrevoir une souffrance telle que son
cur se serra. Il éveillait en elle des sensations étranges.
Elle avait envie de le prendre dans ses bras pour le câliner, le
rassurer, le protéger de tout ce qui pouvait lui faire du mal pourtant,
ce n'était pas de l'amour, du moins pas cette sorte d'amour. Le
téléphone sonna, interrompant ce moment particulier. Largo
répondit, secoua la tête et se raccrocha.
- Ils ont du nouveau, il faut que j'y aille, fit-il quelque peu soulagé.
Je vais revenir très vite et si vous le voulez nous pourrons dîner
ensemble.
- Avec plaisir
A une condition cependant, je veux que vous me teniez
au courant de tout ce qui se passe.
- Promis.
Il déposa un baiser sur la joue de la jeune femme et sortit rejoindre
l'Intel Unit au bunker.
@@@@@@@@@@
Joy tournait en rond en attendant Largo. Elle ne pouvait
s'empêcher de penser à la jeune femme qui se reposait dans
la chambre d'ami de son patron.
- Joy
, fit Kerensky en levant les yeux de son écran.
Cette dernière ne répondit pas tant elle était plongée
dans ses pensées.
- Joy ! Dit-il d'une voix un peu plus forte.
- Oh excuse-moi, tu disais ?
- Rien, je me demandais pourquoi la présence de cette fille t'inquiète
autant.
- Qui a dit que j'étais inquiète, tu divagues mon grand.
- Ah bon ? ? Parce que c'est moi qui aie vérifié le système
de sécurité six fois pendant les vingt-quatre dernières
heures.
- Quand on a affaire à un type comme Landis, on n'est jamais trop
prudent.
- Admets-le, cette fille te fait peur ou plutôt l'influence qu'elle
pourrait avoir sur Largo.
- Pourquoi devrait-elle me faire peur ? C'est quelqu'un de très
bien et de très sensible.
- Alors pourquoi ai-je dans l'idée que sa présence te dérange
? Tu as peur que Largo ne la préfère à toi ?
- Que vas-tu chercher ? Largo et moi sommes amis et il est hors de question
que cela change.
- C'est ça et moi, je suis Gorbatchev
Si ca te plaît
de te voiler la face !
La porte s'ouvrit, livrant passage à un Largo épuisé.
- Alors, quoi de neuf ? Demanda-t-il en se laissant tomber sur un fauteuil
près de Joy. Il ferma les yeux se massa les tempes. Il sentait
poindre un mal de tête.
- Eh bien, j'ai épluché le dossier de ce Arthur Landis.
Il trempe dans tout ce qui peut rapporter : trafic de drogues, d'armes,
tripots clandestins, traite des blanches. Il a plusieurs associés
dont un à Los Angeles, Nestor Montrose.
- Montrose
Montrose, répéta Joy à mi-voix.
Ce nom me dit quelque chose
.
- C'est un homme d'affaires on ne peut plus véreux. Il a été
accusé de corruption et d'être le commanditaire de plusieurs
attaques à mains armées qui ont coûté la vie
à deux vigiles. Malheureusement pour l'accusation, les témoins
ont disparu juste un peu avant l'audience. On a retrouvé l'un d'eux
flottant au large de Malibu.
- En somme, il a été relâché et continue ses
agissements sans problèmes, fit Joy agacée.
- Oui, c'est cela même.
- Cela n'explique pas pourquoi ils en veulent à Jessica, dit Largo
en se passant la main sur le visage.
- Je sais, mais je vais finir par trouver, répondit Kerensky en
remettant ses lunettes.
- Je compte sur toi, j'ai un mauvais pressentiment.
Il se leva et se dirigea ver la sortie d'un pas lourd.
- Au fait, l'un de vous a vu Simon ?
- Il est sorti, il a rendez-vous avec une adorable rousse, fit Joy avec
ironie.
Largo soupira et sortit du bunker. Il monta dans l'ascenseur, et s'appuya
contre la paroi. Tant de questions tourbillonnaient dans sa tête.
Il n'arrivait pas à comprendre ce que ces hommes voulaient à
Jessica
Jessica, elle avait à peine changé depuis
leur dernière rencontre. Il y avait toujours cet étrange
lien entre eux. Elle était capable de deviner son humeur, sa souffrance,
sa peur. Il n'avait jamais compris comment elle réussissait à
toujours savoir ce qu'il ressentait et à trouver les mots qu'il
fallait pour le réconforter.
@@@@@@@@@@
Dans le parking souterrain du groupe W, une camionnette
alla se garer près de la rampe de déchargement de marchandises.
Deux hommes habillés en uniformes de l'entreprise Richard Cattering,
un traiteur ayant pignon sur rue dans Manhattan, en descendirent et déchargèrent
des plateaux emplis de victuailles. Tout à leur affaire, ils n'entendirent
pas les deux hommes qui les surprirent. L'un d'eux sortit une arme munis
d'un silencieux et abattit le conducteur du van. L'autre reçut
un couteau en plein cur. Ils cachèrent les corps dans la
camionnette après leur avoir enlever leurs uniformes et leurs badges
d'identifications. Ils dissimulèrent leurs armes sous le chariot
et montèrent la rampe en direction de l'ascenseur de service. Si
les renseignements que leur patron leur avait donnés étaient
exacts, il ne leur serait pas très difficile d'arriver jusqu'aux
appartements privés où se cachait leur cible. Ils passèrent
sans encombre les contrôles, abandonnèrent le chariot devant
la porte du penthouse, reprirent leurs armes et se préparèrent
à entrer.
De son coté, Kerensky soupira, il était épuisé
mais il était bien décidé à trouver les renseignements
que voulait Largo. Il n'avait pas encore fait la connaissance de la personne
qui lui causait autant de travail, mais il était sûr qu'il
allait l'apprécier, surtout parce qu'elle semblait capable de tenir
tête à Largo et à sa tête de mule de garde du
corps. Il s'étira quand quelque chose attira son attention sur
l'un des écrans de contrôle du dernier étage de la
tour. Il prit le téléphone et tenta de joindre l'équipe
de sécurité en place mais n'y réussit pas. Il prit
l'arme qu'il gardait dans le tiroir de son bureau et sortit précipitamment.
Jessica s'était assoupie en attendant le retour de son bienfaiteur.
Elle n'entendit pas la porte s'ouvrir, ni ne vit l'homme pointer son arme
sur elle. La porte du penthouse s'ouvrit en grand et Kerensky surgit tel
un diable de sa boite. Il abattit le premier homme sans hésitation
et se dirigea vers la porte ouverte de la chambre. La détonation
réveilla la jeune femme qui hurla quand elle vit l'homme la viser.
Elle n'eut pas le temps de réagir que le Russe sommait l'agresseur
de se rendre. Celui-ci se retourna, visant Kerensky qui ne lui laissa
aucune chance. Il tira et l'homme tomba mort avant même d'avoir
toucher le sol.
- Ca va ? Demanda-t-il avec douceur en s'asseyant près d'elle.
Elle hocha la tête. Elle détailla son ange gardien. Il paraissait
presque froid et inhumain, pourtant elle pouvait voir dans ses yeux de
la tendresse. C'était un contraste étonnant. Georgi fut
étonné par la force qui émanait de la jeune femme.
Elle avait l'air de pouvoir lire en lui comme dans un livre ouvert et
ça le mettait mal à l'aise.
- Qui
Qui êtes-vous ? Fit-elle d'une voix encore tremblante.
- Georgi Kerensky, je travaille pour Largo, je m'occupe de l'informatique.
- Pour un informaticien, je trouve que vous savez vous servir d'une arme
étonnamment bien.
Il baissa les yeux, un peu gêné par la remarque. Avant qu'il
ne puisse ajouter quoique ce soit, Largo arriva affolé. Il avait
entendu les coups de feu en sortant de l'ascenseur. Il avait senti la
panique le saisir quand il avait vu le cadavre d'un homme dans la pièce
principale.
- Ca va ? Demanda-t-il.
- Tout va bien, fit Kerensky, ton amie en a été quitte pour
une bonne frayeur.
- Comment as-tu su ?
- Disons seulement que j'ai eu de la chance, répondit-il en se
levant. Je vous laisse, j'ai encore pas mal de travail qui m'attend.
- Merci, je te dois une fière chandelle, dit le jeune milliardaire
avec reconnaissance.
Il sortit de la pièce en jetant un dernier regard à la jeune
femme. Largo s'assit sur le bord du lit.
- Ca va aller, dit-il en la prenant dans ses bras.
Il la serra fort contre lui. Il avait besoin de la sentir près
de lui, saine et sauve. Elle resta un instant sans bouger, nichant son
visage au creux de son épaule, puisant en lui, la force qui lui
manquait.
- Ne restons pas là.
Il l'aida à se lever, à passer son peignoir par-dessus sa
chemise de nuit, et l'emmena dans sa chambre où il la remit au
lit. Elle était pâle et ses traits étaient tirés
par la douleur de sa blessure à la poitrine. Il avait dû
s'en apercevoir et lui tendit un verre d'eau ainsi qu'un comprimé.
Elle ne protesta pas et avala le médicament. Elle sentit peu à
peu son corps se détendre et sombra dans le sommeil. Largo sortit
de la pièce où Joy l'attendait.
- Comment va-t-elle ? S'enquit-elle.
- Choquée mais ca va
, répondit Largo en s'asseyant
sur le canapé.
- La police sera là dans un moment et ils voudront sûrement
lui parler.
- Et bien, ils devront attendre, elle est à bout de force, répondit-il
avec colère. Je suis désolé, reprit-il plus doucement,
ce n'est pas après toi que j'en ai.
- Je sais, Largo. Ecoute, après ce qui vient de se passer, je crois
qu'il vaut mieux que je m'installe ici au moins jusqu'à ce que
toute cette histoire soit finie.
Il acquiesça, il était prêt à tout pour que
Jessica se sente en sécurité.
@@@@@@@@@@
La nuit tomba sur la ville et le penthouse avait enfin retrouvé
sa tranquillité. La police et l'équipe scientifique avaient
enfin quitté les lieux. Joy s'était installée sur
le canapé, son arme à portée de main. Elle se sentait
un peu coupable de ne pas avoir prévu ce qui était arrivé.
Largo essayait de trouver le sommeil dans la chambre d'amis tandis que
Jessica dormait dans la chambre du milliardaire. Celui-ci se tournait
et se retournait dans son sommeil. Dès qu'il fermait les yeux,
il ne pouvait s'empêcher de revoir des images qu'il aurait préféré
oublier. Des flashs, des sensations remontaient sans qu'il puisse y faire
quoique se soit. Il finit tout de même par s'endormir d'un sommeil
agité.
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Dans la villa de Malibu, Nestor Montrose était furieux.
La nouvelle tentative pour éliminer le seul témoin de ses
agissements avait lamentablement échoué. L'équipe
de soi-disant professionnels engagée par Landis avait été
décimée en un rien de temps. La jeune femme était
toujours en vie et sous la protection d'une équipe des plus efficaces.
Il lui fallait trouver son point faible, la chose qui la ferait sortir
de sa cachette. Il retourna s'asseoir à son bureau et ouvrit le
dossier posé devant lui. Celui-ci lui fournirait peut-être
des réponses.
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Les jours qui suivirent passèrent très rapidement
pour l'Intel Unit. La police avait été mise au courant de
la situation et tous étaient tombés d'accord pour tenir
les collègues de la jeune femme en dehors de l'affaire. La sécurité
au sein du groupe avait été renforcée. Le dernier
étage de la tour avait été interdit à tout
employé non muni d'un passe spécial. Joy, Simon et Kerensky
se relayaient dans le penthouse pour que Jessica ne soit jamais seule
quand Largo n'était pas là. Kerensky qui, au début,
n'avait pas tellement apprécié, était aux anges parce
qu'il avait enfin trouvé un adversaire digne de lui aux échecs
. Simon, bien que méfiant au départ, avait trouvé
en la jeune femme une confidente et une joueuse de cartes redoutable.
Il n'y avait qu'aux jeux vidéo qu'elle se faisait battre régulièrement.
Joy, pour sa part, prenait le relais la nuit, s'installant sur le canapé
pour veiller sur le sommeil de Largo et de celle qu'elle ressentait comme
une menace mais qu'elle ne pouvait se résoudre à détester.
Elle était si gentille et perspicace qu'elle n'avait pas mis longtemps
à découvrir son secret. Cela s'était passé
un soir alors qu'elles regardaient un vieux film en attendant le retour
de Largo qui dînait en compagnie de Sullivan et de quelques investisseurs.
Elle n'avait pas été particulièrement heureuse de
laisser son rôle de garde du corps à Simon et elle avait
passé une grande partie de la soirée à consulter
sa montre.
- Vous devriez lui dire, vous savez
- Lui dire quoi ? Répondit Joy en faisant celle qui n'avait pas
compris.
- Que vous l'aimez
, dit-elle d'une voix douce.
- Vous vous méprenez, je ne suis pas amoureuse de lui.
- Que vous dites
Mais ca se voit comme le nez au milieu de la figure.
Je ne comprends pas pourquoi vous faites tous deux ceux qui ne savent
pas
- Peut-être parce que nous ne sommes pas prêts, murmura Joy.
Joy se tut. Jamais elle n'aurait pensé admettre ouvertement ses
sentiments pour Largo. Elle regarda son interlocutrice qui souriait. Elle
paraissait satisfaite par ce qu'elle venait d'entendre.
- Vous ne devriez pas attendre plus longtemps, l'amour ne se présente
qu'une fois.
- Je le sais, mais je ne crois pas que nous soyons prêts à
nous engager dans ce genre de relation. Je ne supporterais pas de n'être
qu'une passade pour lui, fit Joy avec tristesse.
- Ne vous inquiétez pas, je suis sûre que vous êtes
loin d'être une passade pour lui. Il vous aime, cela se voit dans
son regard mais
- Mais quoi Jessica ? Demanda le garde du corps avec intérêt.
- Je ne sais pas, je sens comme une souffrance en lui, quelque chose qui
le ronge de l'intérieur. Par moment, je peux presque la sentir.
Le silence retomba, chacune pensant à ce que l'autre avait dit,
le film totalement oublié. Quand Largo entra dans le penthouse,
il fut surpris de trouver les deux femmes assoupies sur le canapé.
Il sourit en regardant celles qui comptaient le plus pour lui. D'un coté,
il y avait Joy
Sa Joy comme il l'aimait à l'appeler en secret.
Ses sentiments pour elle étaient forts et l'effrayaient au plus
haut point. Que ferait-elle le jour où elle apprendrait la vérité
sur lui
Voudrait-elle encore de lui ? Pourrait-elle encore l'aimer
? Où lirait-il le dégoût et le rejet dans ses yeux
? De l'autre coté, il y avait Jessica dont la présence le
réconfortait, le rassurait. Même si sa mémoire n'était
pas encore revenue, elle savait comment lui parler pour effacer en un
claquement de doigts les difficultés de la journée. Jessica
se remettait bien de sa blessure, bien qu'elle passait encore beaucoup
de temps à se reposer sous la vigilance de l'un de ses anges gardiens.
Le manque de progrès de son état mental était la
chose qui exaspérait le plus la jeune femme. C'était comme
si elle avait perdu une partie essentielle d'elle-même. Le docteur
Wallace lui assurait que cette amnésie était due au traumatisme
et non pas à une blessure. Sa mémoire pouvait réapparaître
à n'importe quel moment, mais elle se sentait frustrée par
cette situation qu'elle ne pouvait contrôler.
@@@@@@@@@@
Simon de son coté regardait avec envie cette femme
sur qui il veillait. Depuis leur première rencontre il ne l'avait
jamais appréciée ayant toujours craint son influence sur
Largo. Pourtant jour après jour, il découvrait des facettes
inattendues de Jessica qui souvent le scrutait avec un regard qui semblait
pouvoir voir jusqu'à son âme. Malgré lui il était
envoûté par elle, petit à petit il sentait son cur
si souvent volage s'enchaîner à elle. Il était cependant
convaincu qu'elle ne serait jamais à lui. Trop de liens la rattachaient
à Largo qui semblait la couver comme si elle était la huitième
merveille du monde.
- Simon ? Tout va bien ? Demanda-t-elle en sortant de la chambre après
avoir fait un petit somme.
- Oui pourquoi ?
- Vous semblez si loin dans vos pensées. Vous semblez si seul parfois.
- On dirait que l'on ne peut rien vous cacher, répondit-il avec
un petit sourire amer.
- Je suis désolée, je ne voulais pas être indiscrète.
- Mais vous ne l'êtes pas, vous êtes plutôt perspicace.
- Si vous voulez parler, je sais très bien écouter, proposa-t-elle
en s'asseyant sur le canapé.
- Oh il n'y a rien à dire.
- Je pense le contraire, dit-elle d'un ton sans réplique.
Il la regarda avec surprise. Depuis qu'il était arrive au Groupe
W personne n'avait pris la peine de parler réellement avec lui.
Au fond il n'était que le bouffon du grand patron, aux yeux des
gens il faisait presque parti des meubles.
- Simon ? Je suis désolée, je ne voulais pas vous faire
de la peine.
- Ce n'est pas cela, murmura-t-il. Vous êtes la première
personne qui s'intéresse vraiment à moi depuis que notre
arrivée
- Vous exagérez, je suis sure que Largo, Joy et Kerensky s'intéressent
à vous et à ce qui peut vous arriver.
- Oui ca je le sais mais je parle du fait qu'aucun d'autre eux n'a cherché
à aucun moment à mieux me connaître. Personne, pas
même Largo ne m'a demandé si j'étais heureux ici.
- Et vous l'êtes ?
- La plupart du temps, sauf quand je vois le regard de certaines personnes.
Des regards emplis de haine, d'indifférence ou d'hypocrisie qui
cherchent des faveurs afin d'approcher du roi de la montagne. Alors je
fais comme si je ne les voyais pas et je fais semblant d'être heureux
parce c'est ce que l'on attend de moi.
- C'est triste ce que vous me dites là parce qu'ils passent à
coté d'une occasion en or, celle de connaître quelqu'un de
bien.
- Arrêtez vous aller me faire rougir.
- C'est la vérité. Simon, si vous arrêtiez de vous
cacher derrière votre masque de pitre, je suis sûre que vous
auriez de drôles de surprises.
La porte du Penthouse s'ouvrit interrompant leur conversation
et laissant passage à un Largo épuisé. Depuis l'attaque
contre Jessica, des cauchemars venaient le hanter ne lui laissant que
peu de repos. Jessica jeta un regard empli de tendresse à Simon
qui lui sourit en lui faisant un clin d'il. Il savait que cette
conversation resterait entre eux. Il ne savait pas pourquoi mais il lui
faisait une confiance aveugle.
@@@@@@@@@@
Une nuit, après avoir eu une journée plus
qu'agitée, le cauchemar que Largo avait mis tant de temps à
oublier revint en force. Il se revit à Los Angeles, sa vieille
guimbarde tombant en panne en plein milieu d'une rue déserte. Il
était sorti de la voiture pour mettre la tête sous le capot
à la lumière de son briquet. Simon lui avait déjà
dit qu'il aurait dû mettre cette vieille carcasse à la casse.
Il repensa à son ami, qui le suivait depuis quelque temps déjà.
Il espérait que le jeune Suisse réussirait à résoudre
ses problèmes familiaux et qu'il pourrait le rejoindre bientôt.
Il n'avait pas entendu les quatre hommes arriver tant il était
occupé à trouver la panne. Il sentit une main se poser sur
son épaule le faisant sursauter et se cogner la tête contre
le capot.
- Des problèmes, l'ami ? Fit le plus vigoureux. Désolé,
on ne voulait pas vous faire peur. Hein, les gars ? Continua-t-il d'un
rire gras
Largo se retourna et se trouva nez à nez avec quatre mastodontes.
Ils ressemblaient à des bodie-builders tout droit sortis d'un magazine
de fitness. Le jeune homme avala sa salive. Il sentait le danger, mais
ne voyait pour le moment aucune échappatoire.
- Vous ne sauriez pas où je pourrais trouver une cabine téléphonique
? Je crois qu'elle est bonne pour une visite au garage.
- Il nous prend pour les renseignements maintenant, fit le plus grand.
Faut pas se promener tout seul la nuit, ta mère te l'a jamais appris.
Les quatre hommes se mirent à rire et Largo eut envie de prendre
ses jambes à son cou. Ils commencèrent à le bousculer,
l'entraînant dans une ruelle proche mal éclairée.
Il n'arrivait pas rompre le cercle que les hommes avaient formé
autour de lui. Et bientôt, il se retrouva face contre le mur. Un
bras sur la nuque l'empêchait de décoller le front de la
brique crasseuse. Il sentit des mains fouiller les poches de son jeans
et de sa veste.
- Eh les mecs ! Regardez ca ! Dix dollars seulement ! Fit l'une des voix
en jetant le portefeuille à terre et en empochant le billet.
- Encore un paumé ! Va peut-être falloir se payer en nature
pour le dérangement !
Largo tenta de protester, un coup de poing dans les côtes le fit
taire momentanément en lui coupant le souffle.
- Tu feras ce qu'on te quand on te le dit
, lui murmura le grand
blond à l'oreille.
Des frissons lui parcoururent la colonne vertébrale. La peur lui
nouait l'estomac. Il se doutait bien de ce qu'ils voulaient et se dit
qu'il aurait beaucoup de chance s'il en sortait vivant. Il fut projeté
à terre. Ses genoux frappèrent avec force les pavés
recouvrant le sol. Celui-ci était trempé, il avait plu une
bonne partie de la journée et il sentit l'eau imbiber la toile
de son jeans. L'un des hommes maintenait ses bras derrières son
dos en le forçant à garder la tête à terre.
Son front était collé à un carton humide souillé.
Largo sentit des mains dégager son t-shirt pour donner meilleur
accès à la ceinture de son pantalon. Il tenta de se débattre
mais la poigne fer qui maintenaient ses bras, et qui menaçaient
de les lui disloquer, l'en dissuada momentanément.
Des mains ouvrirent les boutons de son jeans et firent descendre ensemble
le pantalon et le caleçon. L'air frais de la nuit contre sa peau
exposée raviva son envie de se battre. Il recommença à
se débattre de plus belle, il sentit son épaule se déboîter
sous la pression de son agresseur et il ne hurla pas seulement de douleur
mais de désespoir aussi. Un autre coup dans les côtes tenta
de le réduire au silence mais il ne pouvait s'arrêter. Sa
voix était encore la seule chose libre qui lui restait. Le meneur
du groupe en fut agacé et lui enfonça un mouchoir dans la
bouche. La panique menaça de le submerger quand il se sentit sur
le point de suffoquer. Il se força alors à respirer lentement.
Il se répétait comme un mantra que ce n'était qu'un
cauchemar et que bientôt il allait se réveiller. La douleur
de la première pénétration lui vrilla le bas du dos.
Il avait l'impression d'être déchiré en deux. Il pouvait
sentir cette énorme chose aller et venir au plus profond de lui.
Des larmes coulaient sur les joues du jeune homme, ses hurlements de douleur,
de désespoir et de frustration étaient transformés
en de simples gémissements par le bâillon. Des mains touchèrent
ses parties intimes, caressant et malaxant les zones érogènes.
La nausée lui monta aux lèvres quand il sentit son corps
réagir à cette caresse. Il sentit une chaleur au creux de
son ventre. Il aurait voulu mourir là, dans cette ruelle malodorante.
Il sentit l'homme enfin atteindre l'extase, il le sentit se vider en lui,
le souillant irrémédiablement. Lui aussi atteignit le point
culminant à cet instant mais ils ne ressentit rien que du dégoût,
et un goût de biles dans la bouche. L'homme se retira seulement
pour laisser la place à l'un de ses compagnons. Et tout recommença,
la douleur, les cris muets, l'impuissance et la haine qui lui tordait
les tripes. Quand tous enfin l'eurent dépouillé de sa dignité,
ils le frappèrent encore et encore jusqu'à ce que l'obscurité
bienfaitrice vienne l'emmener.
Largo se réveilla en hurlant toute cette terreur qu'il venait de
revivre, faisant sursauter Joy qui somnolait dans le salon et Jessica
qui dormait tranquillement dans la chambre d'ami. La garde du corps se
précipita arme au poing et ouvrit la porte pour s'arrêter
net devant le tableau qui s'offrait à elle. Largo était
là, torse nu, en simple pantalon de pyjama, recroquevillé
dans le coin de la chambre le plus éloigné de la porte,
le visage baignés de larmes, se balançant d'avant en arrière.
Il murmurait des mots incompréhensibles. Son regard allait d'un
endroit à un autre surveillant la pièce, craignant que ses
assaillants ne reviennent à nouveau s'en prendre à lui.
Quand Joy tenta de s'approcher, il se mit à répéter
" NON " encore et encore, sa voix augmentant au fur et à
mesure que la distance entre eux diminuait. La jeune femme s'arrêta
ne sachant quoi faire. Elle sentit une présence derrière
elle. Elle vit Jessica pâlir à la vue de Largo.
- Jessica ?
Celle-ci ne répondit pas, d'autres images inondaient son esprit.
Comme un tourbillon des noms, des lieux, des visages refaisaient surface.
Elle prit appui au chambranle de la porte et ferma les yeux. Elle avait
un peu de mal à respirer, une douleur vive lui enserrait la poitrine.
Elle sentit deux bras la soutenir. Elle rouvrit les yeux et vit le vit
visage de Joy inquiet.
- Ca va aller ?
Jessica hocha la tête. Elle se dégagea sans un mot et approcha
Largo doucement. Ce n'était pas la première fois qu'elle
le voyait dans un état pareil. C'était elle que les autorités
avaient appelée quand une patrouille police l'avait retrouvé,
ce soir-là, recroquevillé dans un coin de la ruelle, refusant
que qui que se soit l'approche.
- Largo ? Fit-elle d'une voix douce.
Le jeune homme se rencogna encore plus profondément et regarda
par terre. C'était comme s'il avait voulu disparaître, se
fondre avec les ombres qui envahissait la chambre mal éclairée.
Joy allait allumer la lumière quand Jessica l'en dissuada d'un
signe de la tête.
- Largo, regarde-moi c'est Jessica. Tout va bien
. Ca va aller
Je te le jure
Ce n'est qu'un cauchemar.
La jeune femme était maintenant à portée de main
du jeune homme, pourtant elle ne fit aucun geste pour tenter de le toucher
pour le réconforter.
- Largo, c'est fini maintenant, il faut que tu reviennes. Je t'en prie,
on a besoin de toi. Qui va me protéger des mauvaises blagues de
Simon si tu n'es plus là ? Fit-elle sur un ton qu'elle voulait
enjoué.
Elle regarda Joy d'un air soucieux. Elle avait déjà vu des
flash-back, elle en avait elle-même expérimenté plus
d'un. L'important était de le faire sortir de cette terreur qui
semblait l'emprisonner sans pitié avec douceur. Elle tendit la
main en souriant toujours sans contact physique avec lui. C'était
à lui de prendre l'initiative. Largo leva les yeux. Leurs regards
s'accrochèrent. Elle sourit, l'encourageant silencieusement à
prendre sa main. Il tendit son bras et toucha le bout des doigts de la
jeune femme dont le sourire s'élargit. Ce contact sembla le tirer
de sa torpeur.
- Jessica ? Fit-il, surpris de la voir près de lui comme elle l'avait
toujours fait dans ses souvenirs.
- Oui
Allez viens ne reste pas là, dit-elle l'aidant à
se lever. Viens te remettre au lit, tu vas attraper froid à force
de te promener dans cette tenue.
Il ne protesta pas quand elle l'aida à s'allonger et qu'elle rabattit
les couvertures. Il se sentait vidé de toute énergie.
- Que s'est-il passé ? Demanda-t-il même s'il se doutait
de la réponse.
- Tu as fais un cauchemar.
- Un cauchemar ? Rien qu'un cauchemar ?
- Oui, fit-elle en hésitant légèrement. Il n'était
pas en état d'entendre les explications sur ce qui c'était
réellement passé.
- J'ai cru qu'il était partit pour toujours
Qu'il ne reviendrait
plus, alors pourquoi maintenant ? Pourquoi après presque six ans
?
- Je ne sais pas, répondit-elle en lui déposant un baiser
sur le front. Tu crois que tu vas pouvoir te rendormir ?
Il hocha la tête et ferma les yeux. Elle lui caressait doucement
le front tout en lui chantonnant un air doux. Quelques minutes plus tard,
il s'était rendormi. Jessica sentit le regard Joy sur elle. Celle-ci
semblait à la fois effrayée, triste et furieuse. Elle soupira,
elle était épuisée, elle aussi. Sa poitrine la faisait
souffrir. Elle se leva difficilement, la pièce se mit à
tourner et si Joy n'avait pas été là, elle se serait
retrouvée sans doute à terre. Elles sortirent en silence
pour ne pas troubler le repos du jeune milliardaire. Jessica se laissa
tomber sur le canapé. Joy alla préparer un peu de thé,
elle avait besoin de s'occuper. Ce dont elle avait été témoin
plus tôt l'avait éprouvée. Elle avait toujours considéré
Largo comme quelqu'un de fort, capable de se sortir de n'importe quelle
situation. Bien sûr, il était rebelle, avec les sentiments
à fleur de peau mais le voir dans cet état avait ébranlé
la vision qu'elle avait de lui. Quand elle revint avec le plateau, elle
trouva Jessica près de la baie vitrée regardant les lumières
de la ville.
- J'ai fait du thé
Le silence retomba entre les deux femmes. Aucune d'entre elle ne savait
comment aborder la situation. Jessica se doutait bien que Largo n'avait
parlé de cela avec personne et c'était bien ce qui l'inquiétait.
Elle se souvenait très bien de leurs discussions sans fin sur ce
sujet. Elle ne lui avait jamais avoué comment elle pouvait savoir
ce qu'il ressentait et lui ne semblait pas avoir fait le lien. Jess prit
la tasse que lui tendait Joy et en but une gorgée.
- Hum
Ca fait du bien
Il y avait longtemps que je n'en avais
pas bu
J'ai toujours aimé la camomille
Joy la regarda avec étonnement.
- Votre mémoire est revenue ?
Jessica hocha la tête en buvant une autre gorgée de thé.
- Quand ?
- Tout à l'heure, quand j'ai vu Largo accroupi dans la chambre.
C'est revenu comme dans un tourbillon. Des sons, des images
.
- Que s'est-il passé ?
Jessica ne savait que répondre. Elle comprenait la curiosité
de Joy mais elle ne pouvait pas lui en parler sans l'approbation de Largo.
- Je sais que vous êtes inquiète mais ce n'est pas à
moi de vous en parler.
- Enfin ca doit tout de même être grave pour qu'il se mette
dans un état pareil ! Fit Joy exaspérée par le silence
de la jeune femme.
- Il a subi un gros traumatisme il y a quelques années, et cela
a refait surface ce soir
- Quel genre de traumatisme ?
- Ecoutez
Je suis fatiguée je crois qu'il vaut mieux que
nous en restions là pour ce soir. Je suis désolée
Joy, je suis sûre qu'il vous en parlera quand il se sentira prêt.
Joy fit la grimace. Connaissant Largo, il ne serait jamais prêt.
Elle regarda Jessica se lever doucement et se diriger avec peine vers
la chambre. Joy décrocha le téléphone et forma le
numéro de la seule personne qui pourrait lui apporter quelques
réponses.
- Allô ? Fit une voix féminine ensommeillée.
- Excusez-moi j'ai dû me tromper de numéro, dit-elle avant
de raccrocher.
Elle fouilla dans son sac à la recherche de son agenda, et recomposa
le numéro de l'appartement de Kerensky.
- Allô ? Fit la même voix de femme bien réveillée.
- Je sais qu'il est tard mais j'ai besoin de parler à Georgi.
- Chaton, c'est pour toi, entendit Joy dans le récepteur.
Elle entendit un silence et la voix de Kerensky.
- Merci, Scilia.
- Tu connais le tarif, répondit la voix coquine de celle-ci.
Le silence se fit à nouveau et Joy en fut légèrement
agacée.
- Qui que vous soyez, j'espère que vous avez une très bonne
raison de me réveiller à quatre heures du matin.
- Tu es sûr que je te réveille ?
- Joy ! ! ! ! J'ai une vie privée contrairement à toi !
T'étais pas censée surveiller la fille et Largo ?
- Justement, c'est au sujet de Largo que je t'appelle
- Ca ne pouvait pas attendre demain matin ? ? ? Attend deux minutes.
- OK.
- Mais non pas toi ! Dit-il à Joy.
- Je peux savoir qui est celle qui te distrait de la sorte ? ? ?
- Ca ne te regarde pas ! Alors que se passe-t-il encore ? Demanda Kerensky
en soupirant
- J'ai besoin de renseignements sur Largo.
- Il ne va pas aimer.
- Il n'est pas censé être au courant, fit-elle fermement.
- Tu es certaine que ça va ?
- A vrai dire, je ne sais pas.
- Que veux-tu savoir ? Demanda-t-il sa curiosité éveillée.
Joy lui fit part de l'incident et la manière dont Jess avait réussi
à maîtriser la situation. Elle lui expliqua que cela avait
ravivé une partie de la mémoire de la jeune femme mais que
celle-ci avait refusé de lui dire quoi que se soit. Kerensky l'assura
de son soutien et lui promit de lui trouver les informations qui lui manquaient.
Il raccrocha et se tourna vers sa compagne. Il sourit et l'attira à
lui avec passion. Il prit ses lèvres enflammées et l'embrassa
fougueusement. Leurs corps se mêlèrent sous l'emprise de
leurs sens et se laissèrent aller jusqu'à ce qu'ils atteignent
l'extase.
@@@@@@@@@@
Les ombres commençaient à se dissiper quand Largo ouvrit
les yeux. Il aperçut Jessica endormie dans un fauteuil près
de son lit et l'observa pendant un moment. Les souvenirs de ce qui s'était
passé la nuit précédente affluèrent dans sa
mémoire. Il frissonna et referma les yeux pendant un moment. Mais
l'obscurité ne lui offrit aucun réconfort. Les images qu'il
s'était acharné à oublier pendant toutes ses années
revenaient en force. Il se revit à l'hôpital, ne voulant
écouter aucun conseil donné par les médecins et prenant
la fuite à peine remis de ses blessures. Jessica avait réussit
à le rattraper et l'avait convaincu de venir s'installer chez elle
jusqu'à ce qu'il se sente mieux. Il n'avait jamais compris pourquoi
elle l'avait fait. Pourquoi s'était-elle acharnée à
l'aider, lui, un étranger ? Elle avait été à
ses cotés pendant les nuits veillant sur son sommeil et le rassurant
quand les cauchemars faisaient remonter une terreur telle qu'il avait
du mal à la maîtriser. Pourtant il avait toujours refusé
de parler de ce qui c'était passé. Même si elle avait
réussit à le traîner dans ce centre qui accueillait
les victimes d'agressions sexuelles, il n'avait jamais réussit
à se libérer de ce poids qui pesait sur ses épaules.
Le peu qu'elle savait, elle l'avait appris lors des nuits où, épuisé,
il laissait couler ses larmes sur son épaule. Bien qu'elle ne l'ait
jamais poussé à sortir de son silence dans lequel il cherchait
du réconfort, elle avait toujours su trouver les mots qui stoppaient
le tourbillon de ses pensées.
- Bonjour, dit Jessica en constatant que le jeune homme était
réveillé.
- Salut
Il ne savait pas trop comment réagir face à celle qui,
encore une fois, l'avait sorti de son cauchemar.
- Comment ça va ? Fit-elle en grimaçant quand elle se leva
de son fauteuil pour s'asseoir près de lui sur le lit.
- C'est à toi qu'il faut poser la question. Ne me dis pas que tu
as passé la nuit à me regarder dormir ?
- Que pouvais-je faire d'autre ? Répondit-elle en souriant.
- Te reposer, par exemple ?
- J'aurais tout le temps de me reposer quand tu iras mieux.
- Je vais mieux, dit-il un peu gêné qu'elle ait été
de nouveau témoin de sa terreur.
- Pas à moi, Largo. Je sais très bien que tu t'es évertué
à faire comme si rien ne s'était passé, mais tu ne
peux échapper à tes souvenirs, ils reviennent tôt
ou tard à la surface.
- Je vois que les tiens sont revenus
- Oui, mais pas ceux qui pourraient me faire comprendre comment j'ai bien
pu échouer à New York.
- Je suis sûr que ca va te revenir, ce n'est plus qu'une question
de temps.
Il lui prit la main et la serra pour la rassurer. Il sentait la peur
qu'elle tentait de dissimuler.
- Jess
- Oui ?
- Je suis désolé pour ce qui s'est passé il y a quatre
ans
Je
- C'est oublié.
Il sourit au jeu de mot.
- Maintenant que je t'ai retrouvé, tu vas avoir un mal de chien
à te débarrasser de moi, fit-elle avec malice.
Elle se sentait soulagée qu'il fasse à nouveau parti de
sa vie. Il lui avait tellement manqué. Il la regarda comme s'il
la voyait pour la première fois. Malgré tout ce qu'il savait
d'elle, il se rendait très bien compte qu'il ne savait d'elle que
ce qu'elle voulait bien montrer.
- C'était plus qu'un cauchemar ? Demanda-t-il sachant très
bien qu'elle comprendrait.
Elle hocha la tête, ne sachant comment lui répondre. Il
avait des questions mais elle n'était pas sûre de pouvoir
lui donner les réponses dont il avait besoin.
- Pourquoi maintenant ? Ca fait si longtemps !
- Peut-être parce que j'ai réveillé par ma présence
des souvenirs que tu n'as pas forcément envie de te rappeler. Tu
as été sous pression depuis que je suis revenue dans ta
vie. Il faut que cela sorte d'une manière ou d'une autre
.
On appelle cela un flash-back.
- Tu as l'air de savoir de quoi tu parles.
- Disons seulement que ce n'est pas le premier que je vois.
- Et qu'est-ce que je peux faire pour y remédier ?
- Je ne sais pas
Peut être partager ton fardeau
Le silence retomba dans la chambre, Largo tenait toujours la main de
la jeune femme dans la sienne comme s'il s'agissait la seule chose tangible
dans le tourbillon des émotions qui le secouait intérieurement.
Ammenez-moi au chapitre 2
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